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Le Conte du Prêtre de Nonnains.


Le Prologue du Conte du Prêtre de Nonnains.


« Oh ! (dit le Chevalier,) mon bon sire, plus de ceci ;
ce qu’en avez dit est bien assez, pour sûr,
et moult plus : car un peu de tristesse
3960est bien assez pour maintes gens, je pense.
Je le dis quant à moi, y a grand mésaise,
quand un homme a été en grand richesse et aise,
d’apprendre sa chute soudaine, hélas !
et le contraire est joie et grand soûlas,
quand un homme a été en pauvre état,
et s’élève et devient fortuné,
et demeure en prospérité ;
telle chose est éjouissante, ce me semble,
et telle chose ferait bon conter. »
3970« Certes, (dit notre hôte,) par la cloche de Saint-Paul[1],
vous dites très juste ; ce moine dégoise haut ;
il a dit comme « fortune couvrit d’un nuage »
je ne sais trop quoi, et il a parlé aussi de « Tragédie »,
vous venez de l’entendre, et pardi ! ce n’est remède
de se lamenter et plaindre
de ce qui est fait, et puis c’est chose pénible,
comme vous avez dit[2], d’entendre parler de malheur.
Messire Moine, plus de ceci, Dieu veuille vous bénir !
Votre conte ennuie toute la compagnie ;
3980de telles histoires ne valent un papillon ;
car n’y a dedans ni joyeuseté ni jeu.
Adonc, messire Moine, ou dom Pierre de votre nom,
cordialement vous prie, dites quelqu’autre chose,
car, bien sûr, n’était le tintement de vos clochettes,
qui pendent à votre bride de chaque côté,
par le Dieu du ciel, qui pour nous tous mourut,

  1. L’église Saint-Paul à Londres.
  2. Ceci s’adresse au Chevalier.