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et les rendit tributaires de Rome ;
après quoi de Rome il fut l’empereur
jusqu’à ce que la fortune devint son ennemie.

Ô puissant César, qui en Thessalie
3870 combattis Pompée, ton beau-père[1],
qui avait toute la chevalerie de l’Orient
jusqu’où le jour commence à poindre,
par ta valeur tu les as pris et tués tous,
sauf quelques-uns qui s’enfuirent avec Pompée,
et par là tu as rempli de terreur tout l’Orient.
Rends grâce à la fortune qui t’a si bien servi !

Mais ici je veux quelques instants pleurer le sort
de ce Pompée[2], ce noble gouverneur
de Rome, qui fut mis en fuite à cette bataille ;
3880 oyez : un de ses hommes, traître félon,
lui trancha la tête, pour se gagner la faveur
de Julius, et à celui-ci apporta sa tête.
Hélas ! Pompée, conquérant de l’Orient,
faut-il que la fortune t’ait mené à une pareille fin !

À Rome s’en revint Julius
en triomphateur, couronné haut de lauriers,
mais certain jour Brutus Cassius[3],
qui toujours avait été jaloux de sa grandeur,
en secret a formé une conspiration
3890 contre ce Julius, de subtile manière,
et choisi l’endroit où il devait mourir
sous les poignards, comme je vais vous le raconter.

Ce Julius alla au Capitole
un jour, comme il avait coutume,
et au Capitole bientôt le rejoignirent
ce faux Brutus, et ses autres ennemis,

  1. Pompée était non le beau-père, mais le gendre de César, ayant épousé sa fille Julia ; la confusion vient peut-être de ce qu’une des femmes de César s’était appelée Pompeia.
  2. La vie de Pompée est tout au long dans Boccace, De Casibus Virorum, lib. VI, 9.
  3. Chaucer confond en une seule personne Brutus et Cassius ; il n’a d’ailleurs pas été seul à faire cette erreur.