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(dit-elle ;) on n’y voit point ta précieuse louange
accomplie seulement par gens de dignité,
mais par bouche d’enfants eux-mêmes ta bonté
est consommée ; encor tétant leur mère,
ils témoignent parfois ta grande gloire[1].

1650 C’est pourquoi en louange, autant que sais et puis,
de toi et de la fleur très blanche de ce lys
qui jadis te porta et resta toujours vierge,
je veux ici tâcher à conter une histoire ;
non que je puisse ainsi accroître son honneur,
car elle-même est tout honneur, toute racine
de bonté — fors son fils — et tout salut des âmes.

O mère toujours vierge ! O vierge bonne mère !
Buisson brûlant inconsommé devant Moïse !
Toi qui ravis à la Divinité,
1660par ton humblesse, l’Esprit Saint qui vint en toi ;
dont la vertu, lorsqu’il vint embraser ton cœur,
conçut ainsi la Sagesse du Père,
aide-moi à parler ici en ton honneur !

O Dame ! ta bonté et ta magnificence,
ta vertu et ta grande humilité ne peuvent
en nul langage s’exprimer, par nulle science ;
car parfois, Notre Dame, avant que l’on te prie,
tu nous préviens en ta bénignité[2],
et nous donnes, priant toi-même, la lumière
1670qui nous doit amener à ton Fils tant aimé.

Mon savoir est si faible, ô bienheureuse Reine !
à déclarer ta grande dignité,
que je n’en puis aucunement porter le poids ;
mais comme enfant de douze mois, ou moins encore,
qui ne sait guères exprimer un mot,
ainsi je me comporte, et doncques je te prie,
guide ce chant que de toi je veux dire ! »

________________________________ Explicit.


  1. Cette stance est une paraphrase du Ps. VIII, 1-2.
  2. On croit voir ici une imitation de Dante. Parad., XXXII, 16.