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1090que celui qui est la fleur des peuples chrétiens,
un enfant, mais mieux vaut penser
que lui-même s’y rendit, comme il peut bien sembler.

L’empereur consentit gracieusement
à venir au dîner, suivant sa requête,
et ce m’est avis qu’il regarda avidement
cet enfant, et qu’il pensa à sa fille.
Alla rentra chez lui et, comme il le devait,
prépara tout pour le festin
autant que son savoir-faire y pouvait suffire.

1100Le matin vint et Alla s’apprêta
ainsi que sa femme pour se rendre au devant de l’empereur.
Ils s’avancent à cheval avec joie et allégresse.
Et quand elle vit son père dans le chemin
elle sauta de selle et tomba à ses pieds.
« Père, dit-elle, votre jeune enfant Constance
est ores tout effacée de votre souvenir.

Je suis votre fille Constance, (dit-elle,)
que vous avez envoyée jadis en Syrie.
C’est moi, mon père, qui dans la mer salée
1110fus laissée seule, condamnée à mourir.
Or, mon bon père, je vous le demande en grâce,
ne m’envoyez plus vers des pays païens,
mais remerciez mon seigneur ici de sa bonté. »

Qui peut dire toute la piteuse joie
entre eux trois, maintenant qu’ils se sont ainsi rencontrés ?
Mais à mon récit je dois mettre fin.
La journée s’écoule vite, je ne veux plus tarder.
Ces gens heureux s’attablent au dîner.
Je les laisse à leur repas avec une joie et une allégresse
1120plus grande mille fois que je ne sais le raconter.

L’enfant Maurice fut plus tard couronné
empereur par le pape et vécut chrétiennement.
A l’église du Christ il fit grand honneur,
mais je passe sur toute son histoire.
C’est de Constance que traite surtout mon conte.
Dans de vieilles gestes romaines l’on peut trouver
la vie de Maurice, je ne l’ai pas en mémoire.