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Alla le roi rentra bientôt après
à son château dont j’ai parlé
et demanda où se trouvaient sa femme et son enfant.
Le connétable eut froid autour du cœur,
880et clairement lui raconta toute la suite des faits
comme vous l’avez entendue, je ne sais pas mieux les raconter,
et montra au roi son sceau ainsi que sa lettre.

Il dit : « Seigneur, comme vous me le commandiez,
sous peine de mort, ainsi ai-je fait, certainement. »
Le messager fut mis à la torture jusqu’à ce qu’il
dût reconnaître et raconter, net et clair,
nuit par nuit, où il avait couché.
Et ainsi par raisonnement et enquête habile
l'on s’aperçut de qui provenait le mal.

890L’on reconnut la main qui écrivit la lettre
et tout le venin de cet acte maudit,
mais de quelle façon, certes je ne sais.
Le résultat le voici, c’est qu’Alla, sans nul doute,
tua sa mère, ce qu’on peut lire au long,
parce qu’elle avait trahi son allégeance.
Ainsi finit la vieille Donegilde de malheur.

Le chagrin que cet Alla, nuit et jour,
eut pour sa femme ainsi que pour son fils,
il n’est langue qui puisse le raconter.
900Mais à présent veux-je revenir à Constance
qui vogue sur la mer, en peine et douleur,
cinq ans et davantage, comme il plut au Christ de l’éprouver
avant que son navire approchât de terre.

Sous[1] un château païen, à la fin,
dont ne trouve nullement le nom dans mon texte,
la mer rejeta Constance ainsi que son enfant.
Dieu tout-puissant, qui sauves tout le genre humain,
aie souvenance de Constance et de son enfant
de nouveau tombés en terre païenne,
910sur le point de périr, comme je vais vous le dire bientôt.

  1. Vers 903-922. Pareille tentative de viol est décrite dans les Gesta Romanorum, chapitre CI.