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ils s’en sont retournés bien volontiers en Syrie ;
ils vaquent à leurs affaires ainsi qu’autrefois
et vivent dans l’aisance ; je ne puis vous en dire plus.

Or il advint que ces marchands étaient en faveur
auprès de celui qui était sultan de Syrie,
car, lorsqu’ils revenaient de quelque pays étranger,
il avait accoutumé, dans sa gracieuse courtoisie,
180 de leur faire bon visage et de s’enquérir avidement
des nouvelles de divers royaumes en vue d’apprendre
les merveilles qu’ils avaient pu voir ou bien ouïr.

Entre autres choses, tout spécialement
ces marchands lui parlèrent de Dame Constance,
de sa noblesse si grande, sérieusement, avec force détails,
en sorte que le sultan prit si grand plaisir
à en conserver l’image dans son souvenir
que tout son désir et tout son souci anxieux
tendirent à l’aimer tant que sa vie durerait.

D’aventure en ce grand volume
190 que les hommes nomment le ciel il était écrit
par les astres, à l’heure où il naquit,
qu’il devrait la mort à l’amour, hélas !
car dans les astres, plus transparents que n’est verre,
est écrite, Dieu le sait, pour quiconque saurait y lire
la mort de chaque homme, sans nul doute.

Dans les astres, maint hiver auparavant,
se trouvait écrite la mort d’Hector, d’Achille,
de Pompée, de Jules César, avant leur naissance,
200 la lutte thébaine, et la mort d’Hercule,
de Samson, de Turnus, et celle de Socrate ;
mais si borné est l’esprit des hommes
que nul ne sait bien y lire en plein.

Le sultan manda son conseil privé
et pour passer la chose en revue rapidement,
il lui déclara son intention
et lui dit de façon certaine que s’il n’avait le bonheur
de posséder Constance, avant peu de temps
il en mourrait, et lui enjoignit, en hâte,
210 de trouver quelque moyen pour lui sauver la vie.