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Cependant que rêveur de son front perlait l’eau,
Que des éclairs sortaient de ses regards malades,
Reflets d’un bien cruel chagrin
Qu’il ne permettait voir par aucun œil humain.

De vers l’acte de Dieu, là bas au cimetière
Avait été porté son seul espoir ;
Le cœur pur de l’amante, un puits d’amour sincère,
Avait été tué par le froid désespoir :
Et maintenant là bas elle gisait sous terre,
Parce que les siens orgueilleux
Avaient refusé net le jeune homme amoureux.

Sur ce hautain refus la pauvre Damoiselle
Lors s’affaissa comme une fleur sans eau ;
Son amour refoulé, tout dépérit en elle,
Si qu’elle n’endormit bientôt dans le tombeau,
Et des anges là haut devint la sœur jumelle.
Lui, pour distraire son chagrin
Se mit à farfouiller le détritus humain.

Soudain le jouvencel lève la draperie
Qui recouvrait un vol fait au tombeau ;
Jamais près d’un cadavre il n’eut de rêverie,
Car son cœur est d’acier, pour lui rien n’est nouveau !
Le voilà cependant ému, sans menterie,
Et puis il se tient coi, c’est clair,
Comme un ruisseau glacé par le souffle d’hiver.

Git là devant ses yeux, morte, mais belle encore,
Une qui fut échantillon charmant
De la fraîche beauté qu’en ce monde on adore,
Le bijou précieux de quelque jeune amant ;
Sur sa face rosée était comme l’aurore
De cet incarnat enchanteur
Qui d’une jeune vierge annonce la pudeur.