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mont Cenis, la Doria vous ouvre l’entrée de l’Italie. J’ai eu souvent occasion d’observer cette utilité des fleuves dans mes voyages. Non seulement ils sont eux-mêmes des grands chemins qui marchent, comme les appelle Pascal, mais ils tracent encore le chemin aux hommes et leur facilitent le passage des montagnes. C’est en côtoyant leurs rives que les nations se sont trouvées ; les premiers habitants de la terre pénétrèrent, à l’aide de leur cours, dans les solitudes du monde. Les Grecs et les Romains offraient des sacrifices aux fleuves ; la Fable faisait les fleuves enfants de Neptune, parce qu’ils sont formés des vapeurs de l’Océan et qu’ils mènent à la découverte des lacs et des mers ; fils voyageurs, ils retournent au sein et au tombeau paternels.

Le mont Cenis du côté de la France n’a rien de remarquable. Le lac du plateau ne m’a paru qu’un petit étang. Je fus désagréablement frappé au commencement de la descente vers la Novalaise ; je m’attendais, je ne sais pourquoi, à découvrir les plaines de l’Italie : je ne vis qu’un gouffre noir et profond, qu’un chaos de torrents et de précipices.

En général les Alpes, quoique plus élevées que les montagnes de l’Amérique septentrionale, ne m’ont pas paru avoir ce caractère original, cette virginité de site que l’on remarque dans les Apalaches, ou même dans les hautes terres du Canada :