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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

été obligé de dresser des catalogues des expressions américaines.

Quant aux poètes américains, leur langage a de l’agrément, mais ils s’élèvent peu au-dessus de l’ordre commun. Cependant, l’Ode à la brise du soir, le Lever du soleil sur la montagne, le Torrent, et quelques autres poésies, méritent d’être parcourues. Halleck[1] a chanté Botzaris expirant, et Georges Hill a erré parmi les ruines de la Grèce : « Ô Athènes ! dit-il, c’est donc toi, reine solitaire, reine détrônée !… Parthénon, roi des temples, tu as vu les monuments tes contemporains laisser au temps dérober leurs prêtres et leurs dieux. »

Il me plaît, à moi, voyageur aux rivages de la Hellade et de l’Atlantide, d’entendre la voix indépendante d’une terre inconnue à l’antiquité gémir sur la liberté perdue du vieux monde.


Mais l’Amérique conservera-t-elle la forme de son gouvernement ? Les États ne se diviseront-ils pas ? Un député de la Virginie n’a-t-il pas déjà soutenu la thèse de la liberté antique avec des esclaves, résultat du paganisme, contre un député de Massachusetts, défendant la cause de la liberté moderne sans esclaves, telle que le christianisme l’a faite ?

Les États du nord et du midi ne sont-ils pas opposés d’esprit et d’intérêts ? Les États de l’ouest, trop éloignés de l’Atlantique, ne voudront-ils pas avoir un

  1. Halleck (Fitz-Greene), poète américain, né à Guilfort (Connecticut) en 1795, mort en 1867. Ses Œuvres complètes, parues à New-York en 1852, ont eu de nombreuses rééditions. Marco Botzaris, épisode de la révolution grecque, est son œuvre la plus remarquable.