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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

calme, dont on ne trouve aucune trace dans nos fracas sanglants de la République et de l’Empire. La solitude dont les Américains étaient environnés a réagi sur leur nature ; ils ont accompli en silence leur liberté.

Le discours d’adieu du général Washington au peuple des États-Unis pourrait avoir été prononcé par les personnages les plus graves de l’antiquité :

« Les actes publics, dit le général, prouvent jusqu’à quel point les principes que je viens de rappeler m’ont guidé lorsque je me suis acquitté des devoirs de ma place. Ma conscience me dit du moins que je les ai suivis. Bien qu’en repassant les actes de mon administration je n’aie connaissance d’aucune faute d’intention, j’ai un sentiment trop profond de mes défauts pour ne pas penser que probablement j’ai commis beaucoup de fautes. Quelles qu’elles soient, je supplie avec ferveur le Tout-Puissant d’écarter ou de dissiper les maux qu’elles pourraient entraîner. J’emporterai aussi avec moi l’espoir que mon pays ne cessera jamais de les considérer avec indulgence, et qu’après quarante-cinq années de ma vie dévouées à son service avec zèle et droiture, les torts d’un mérite insuffisant tomberont dans l’oubli, comme je tomberai bientôt moi-même dans la demeure du repos. »

Jefferson, dans son habitation de Monticello, écrit, après la mort de l’un de ses deux enfants :

« La perte que j’ai éprouvée est réellement grande. D’autres peuvent perdre ce qu’ils ont en abondance ; mais moi, de mon strict nécessaire, j’ai à déplorer la moitié. Le déclin de mes jours ne tient plus que