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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

rine, attaqué, qui se battit avec une incroyable vigueur, aux applaudissements de ses jeunes adversaires.

Un autre attroupement s’était formé. Le comte de Montboucher[1] aperçut dans la foule un étudiant nommé Ulliac, auquel il dit : « Monsieur, ceci nous regarde. » On se range en cercle autour d’eux ; Montboucher fait sauter l’épée d’Ulliac et la lui rend : on s’embrasse et la foule se disperse.

Du moins, la noblesse bretonne ne succomba pas sans honneur. Elle refusa de députer aux états généraux, parce qu’elle n’était pas convoquée selon les lois fondamentales de la constitution de la province ; elle alla rejoindre en grand nombre l’armée des princes, se fit décimer à l’armée de Condé, ou avec Charette dans les guerres vendéennes. Eût-elle changé quelque chose à la majorité de l’Assemblée nationale, au cas de sa réunion à cette assemblée ? Cela n’est guère probable : dans les grandes transformations sociales, les résistances individuelles, honorables pour les caractères, sont impuissantes contre les faits. Cependant, il est difficile de dire ce qu’aurait pu produire un homme du génie de Mirabeau, mais d’une opinion

    l’admiration des assistants. Jean-Joseph, comte de Kersalaün, était l’aîné des fils du marquis de Kersalaün, le doyen du Parlement. Âgé de 45 ans, il était beaucoup plus vieux que son adversaire, lequel n’avait que vingt-quatre ans.

  1. René-François-Joseph de Montbourcher (dont le nom se prononçait alors Montboucher, comme l’écrit Chateaubriand). Né à Rennes le 21 novembre 1759, fils de Guy-Joseph-Amador, comte de Montbourcher, lieutenant-colonel au régiment de Marbeuf, et de Jeanne-Céleste de Saint-Gilles, il était capitaine au régiment général Dragons. Il est mort à Rennes le 13 mai 1835.