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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

trices protégeaient les auteurs et devenaient quelquefois l’occasion de leur fortune.

Flins, qui n’avait qu’une petite pension de sa famille, vivait de crédit. Vers les vacances du Parlement, il mettait en gage les livrées de ses Savoyards, ses deux montres, ses bagues et son linge, payait avec le prêt ce qu’il devait, partait pour Reims, y passait trois mois, revenait à Paris, retirait, au moyen de l’argent que lui donnait son père, ce qu’il avait déposé au mont-de-piété, et recommençait le cercle de cette vie, toujours gai et bien reçu.


Dans le cours des deux années qui s’écoulèrent depuis mon établissement à Paris jusqu’à l’ouverture des états généraux, cette société s’élargit. Je savais par cœur les élégies du chevalier de Parny, et je les sais encore. Je lui écrivis pour lui demander la permission de voir un poète dont les ouvrages faisaient mes délices ; il me répondit poliment : je me rendis chez lui rue de Cléry.

Je trouvai un homme assez jeune encore, de très bon ton, grand, maigre, le visage marqué de petite vérole[1]. Il me rendit ma visite ; je le présentai à mes

    Paris le 9 février 1779, morte le 20 mars 1847. Elle était fille de l’acteur Boutet dit Monvel et d’une actrice de province, Marguerite Salvetat. Ne pouvant prendre, au théâtre, le nom de Monvel, elle prit celui de sa mère, qui se faisait appeler Madame Mars. Dès l’âge de treize ans, en 1792, elle débuta dans des rôles d’enfants au Théâtre de mademoiselle Montansier, auquel était attaché son père. — La salle de Mlle Montansier est actuellement le Théâtre du Palais-Royal.

  1. « Le chevalier de Parny est grand, mince, le teint brun, les yeux noirs enfoncés et fort vifs. Nous étions liés. Il n’a pas de douceur dans la conversation… Il m’a dit que les sites