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Outagamiz et Célita entrèrent dans la cabane de Chactas.
retour de son frère et l’arrivée de Chactas. Outougamiz se précipite dans la cabane, et s’écrie :

— Me voici ! le voilà ! Chactas, Chactas lui-même. Je l’ai trouvé au lieu de René ; il est arrivé ! Nous serons tous sauvés ! Ah ! si Mila n’était pas morte ! Elle s’est trop pressée ! Allons ! prends ton manteau et ta fille, allons vite voir Chactas. Il est peut-être mort à présent, mais nous n’en sommes pas moins sauvés.

À ces paroles inintelligibles pour tout autre que pour Céluta, l’Indienne éleva son cœur vers le Grand-Esprit et se hâta de chercher son manteau. Outougamiz lui ordonnait d’aller vite, prétendait l’aider, et ne faisait que retarder ses apprêts. Quand le frère et la sœur sortirent de la cabane, la nuit atteignait le milieu de son cours. Dans ce moment même, les trois vieilles femmes attachées au culte d’Athaënsic entraient dans un temple, et, en présence du chef des prêtres, brûlaient un des roseaux de la gerbe ; on aurait dit des Parques coupant le premier fil de la vie de René.

Outougamiz et Céluta arrivèrent à la cabane de Chactas ; le conseil n’était pas fini, et les Allouez placés alentour les empêchèrent d’approcher. On n’a jamais su ce qui se passa dans ce conseil assemblé au bord du lit funèbre de Chactas et présidé par la vertu mourante. Les gardes les plus voisins de la porte saisirent seulement quelques mots lorsque les voix s’élevaient au milieu d’une discussion animée. Une fois Chactas répondit à Adario :

— Je crois aimer la patrie autant que toi ; mais je l’aime moins que la vertu.

Quelque temps après il dit : « J’ignore ce que vous prétendez ; mais quiconque est obligé de cacher ses actions ne fait rien d’agréable au Grand Esprit. »

On entendit ensuite la Femme Chef discourir d’un ton passionné, sans pouvoir recueillir ses paroles. Chactas dit après elle :

— Vous le voyez, cette femme est en proie aux remords ; elle ne dit pas tout, mais sa conscience lui pèse : pourquoi son complice, l’infâme Ondouré, n’est-il pas ici ?

Sur une observation qu’on lui faisait sans doute, Chactas repartit :

— Je le sais : les jeunes guerriers doivent préférer