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LIVRE TROISIÈME.

VÉRITÉS DES ÉCRITURES ; CHUTE DE L’HOMME.




CHAPITRE PREMIER.

Supériorité de la tradition de Moïse sur toutes
les autres cosmogonies
.



Il y a des vérités que personne ne conteste, quoiqu’on n’en puisse fournir des preuves immédiates : la rébellion et la chute de l’esprit d’orgueil, la création du monde, le bonheur primitif et le péché de l’homme, sont au nombre de ces vérités. Il est impossible de croire qu’un mensonge absurde devienne une tradition universelle. Ouvrez les livres du second Zoroastre, les dialogues de Platon et ceux de Lucien, les traités moraux de Plutarque, les fastes des Chinois, la Bible des Hébreux, les Edda des Scandinaves ; transportez-vous chez les Nègres de l’Afrique[1], ou chez les savants prêtres de l’Inde : tous vous feront le récit des crimes du dieu du mal ; tous vous peindront les temps trop courts du bonheur de l’homme et les longues calamités qui suivirent la perte de son innocence.

Voltaire avance quelque part que nous avons la plus mauvaise copie de toutes les traditions sur l’origine du monde et sur les éléments physiques et moraux qui le composent. Préfère-t-il donc la cosmogonie des Égyptiens, le grand œuf ailé des prêtres de Thèbes[2] ? Voici ce que débite gravement le plus ancien des historiens après Moïse :

« Le principe de l’univers étoit un air sombre et tempétueux, un vent fait d’un air sombre et d’un turbulent chaos. Ce principe étoit sans bornes, et n’avoit eu pendant longtemps ni limite ni figure. Mais quand ce vent devint amoureux de ses propres principes, il en résulta une mixtion, et cette mixtion fut appelée désir ou amour.

« Cette mixtion, étant complète, devint le commencement de toutes choses ; mais le vent ne connaissoit point son propre ouvrage, la

  1. Voyez la note VI, à la fin du volume.
  2. Herod., lib. II ; Diod. Sic.