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religieux servaient de termes aux processions les jours de grandes solennités.

Le dimanche après la messe on faisait les fiançailles et les mariages, et le soir on baptisait les catéchumènes et les enfants.

Ces baptêmes se faisaient, comme dans la primitive Église, par les trois immersions, les chants et le vêtement de lin.

Les principales fêtes de la religion s’annonçaient par une pompe extraordinaire. La veille on allumait des feux de joie ; les rues étaient illuminées, et les enfants dansaient sur la place publique. Le lendemain, à la pointe du jour, la milice paraissait en armes. Le cacique de guerre, qui la précédait, était monté sur un cheval superbe, et marchait sous un dais que deux cavaliers portaient à ses côtés. A midi, après l’office divin, on faisait un festin aux étrangers, s’il s’en trouvait quelques-uns dans la république, et l’on avait permission de boire un peu de vin. Le soir, il y avait des courses de bagues, où les deux Pères assistaient pour distribuer les prix aux vainqueurs. A l’entrée de la nuit ils donnaient le signal de la retraite, et les familles, heureuses et paisibles, allaient goûter les douceurs du sommeil.

Au centre de ces forêts sauvages, au milieu de ce petit peuple antique, la fête du Saint-Sacrement présentait surtout un spectacle extraordinaire. Les Jésuites y avaient introduit les danses, à la manière des Grecs, parce qu’il n’y avait rien à craindre pour les mœurs chez les chrétiens d’une si grande innocence. Nous ne changerons rien à la description que le père Charlevoix en a faite :

" J’ai dit qu’on ne voyait rien de précieux à cette fête ; toutes les beautés de la simple nature sont ménagées avec une variété qui la représente dans son lustre ; elle y est même, si j’ose ainsi parler, toute vivante, car sur les fleurs et les branches des arbres qui composent les arcs de triomphe sous lesquels le Saint-Sacrement passe on voit voltiger des oiseaux de toutes les couleurs, qui sont attachés par les pattes à des fils si longs, qu’ils paraissent avoir toute leur liberté et être venus d’eux-mêmes pour mêler leur gazouillement au chant des musiciens et de tout le peuple, et bénir à leur manière celui dont la Providence ne leur manque jamais. (…)

" D’espace en espace, on voit des tigres et des lions bien enchaînés, afin qu’ils ne troublent point la fête, et de très beaux poissons qui se jouent dans de grands bassins remplis d’eau : en un mot, toutes les espèces de créatures vivantes y assistent, comme par députation, pour y rendre hommage à l’Homme-Dieu dans son auguste sacrement.

" On fait entrer aussi dans cette décoration toutes les choses dont on