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qu’elle fait entendre. C’est dans le même esprit qu’elle chante encore le Laudate, pueri, Dominum, qui finit par cette strophe : Qui habitare facit sterilem in domo matrem filiorum laetantem. " Le Seigneur, qui rend féconde une maison stérile et qui fait que la mère se réjouit dans ses fils. " Quel cantique pour des parents affligés ! L’Église leur montre l’enfant qu’ils viennent de perdre vivant au bienheureux séjour, et leur promet d’autres enfants sur la terre !

Enfin, non satisfaite d’avoir donné cette attention à chaque cercueil, la religion a couronné les choses de l’autre vie par une cérémonie générale, où elle réunit la mémoire des innombrables habitants du sépulcre ; vaste communauté de morts, où le grand est couché auprès du petit ; république de parfaite égalité, où l’on n’entre point sans ôter son casque ou sa couronne pour passer par la porte abaissée du tombeau. Dans ce jour solennel où l’on célèbre les funérailles de la famille entière d’Adam, l’âme mêle ses tribulations pour les anciens morts aux peines qu’elle ressent pour ses amis nouvellement perdus. Le chagrin prend par cette union quelque chose de souverainement beau, comme une moderne douleur prend le caractère antique quand celui qui l’exprime a nourri son génie des vieilles tragédies d’Homère. La religion seule était capable d’élargir assez le cœur de l’homme pour qu’il pût contenir des soupirs et des amours égaux en nombre à la multitude des morts qu’il avait à honorer.