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Il croit avoir franchi ce monde inaccessible

Où sur des harpes d’or l’immortel Séraphin

Aux pieds de Jéhovah chante l’hymne sans fin.

Alors de toutes parts un Dieu se fait entendre ;

Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre :

Il doit moins se prouver qu’il ne doit se sentir [NOTE 30]. "


Chapitre VII - La Fête-Dieu

Il n’en est pas des fêtes chrétiennes comme des cérémonies du paganisme : on n’y traîne pas en triomphe un bœuf-dieu, un bouc sacré : on n’est pas obligé, sous peine d’être mis en prison, d’adorer un chat ou un crocodile, ou de se rouler ivre dans les rues en commettant toutes sortes d’abominations pour Vénus, Flore ou Bacchus : dans nos solennités, tout est essentiellement moral. Si l’Église en a seulement banni les danses[1], c’est qu’elle sait combien de passions se cachent sous ce plaisir en apparence innocent. Le Dieu des chrétiens ne demande que les élans du cœur et les mouvements égaux d’une âme qui règle le paisible concert des vertus. Et quelle est, par exemple, la solennité païenne qu’on peut opposer à la fête où nous célébrons le nom du Seigneur ?

Aussitôt que l’aurore a annoncé la fête du Roi du monde, les maisons se couvrent de tapisseries de laine et de soie, les rues se jonchent de fleurs, et les cloches appellent au temple la troupe des fidèles. Le signal est donné : tout s’ébranle, et la pompe commence à défiler.

On voit paraître d’abord les corps qui composent la société des peuples. Leurs épaules sont chargées de l’image des protecteurs de leurs tribus et quelquefois des reliques de ces hommes qui, nés dans une classe inférieure, ont mérité d’être adorés des rois par leurs vertus : sublime leçon que la religion chrétienne a seule donnée à la terre.

Après ces groupes populaires, on voit s’élever l’étendard de Jésus-

  1. Elles sont cependant en usage dans quelques pays, comme dans l’Amérique méridionale, parce que parmi les sauvages chrétiens il règne encore une grande innocence. (N.d.A.)