Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/371

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les pas du vrai croyant ne sont jamais solitaires ; un bon ange veille à ses côtés, il lui donne des conseils dans ses songes, il le défend contre le mauvais ange. Ce céleste ami lui est si dévoué, qu’il consent pour lui à s’exiler sur la terre.

Trouvait-on chez les anciens rien de plus admirable qu’une foule de pratiques usitées jadis dans notre religion ? Si l’on rencontrait au coin d’une forêt le corps d’un homme assassiné, on plantait une croix dans ce lieu en signe de miséricorde. Cette croix demandait au Samaritain une larme pour un infortuné, et à l’habitant de la cité fidèle une prière pour son frère. Et puis ce voyageur était peut-être un étranger tombé loin de son pays, comme cet illustre inconnu sacrifié par la main des hommes, loin de sa patrie céleste ! Quel commerce entre nous et Dieu ! quelle élévation cela ne donnait-il pas à la nature humaine ! qu’il était étonnant d’oser trouver des conformités entre nos jours mortels et l’éternelle existence du Maître du monde !

Nous ne parlerons point de ces jubilés substitués aux jeux séculaires, qui plongent les chrétiens dans la piscine du repentir, rajeunissent les consciences et appellent les pécheurs à l’amnistie de la religion. Nous ne dirons point non plus comment dans les calamités publiques les grands et les petits s’en allaient pieds nus d’église en église, pour tâcher de désarmer la colère de Dieu. Le pasteur marchait à leur tête, la corde au cou, humble victime dévouée pour le salut du troupeau.

Mais le peuple ne nourrissait point la crainte de ces fléaux quand il avait sous son toit le Christ d’ébène, le laurier bénit, l’image du saint protecteur de la famille. Que de fois on s’est prosterné devant ces reliques pour demander des secours qu’on n’avait point obtenus des hommes !

Qui ne connaît Notre-Dame des Bois cette habitante du tronc de la vieille épine ou du creux moussu de la fontaine ? Elle est célèbre dans le hameau par ses miracles. Maintes matrones vous diront que leurs douleurs dans l’enfantement ont été moins grandes depuis qu’elles ont invoqué la bonne Marie des Bois. Les filles qui ont perdu leurs fiancés ont souvent, au clair de la lune, aperçu les âmes de ces jeunes hommes dans ce lieu solitaire ; elles ont reconnu leurs voix dans les soupirs de la fontaine. Les colombes qui boivent ses eaux ont toujours des œufs dans leur nid, et les fleurs qui croissent sur ses bords, toujours des boutons sur leur tige. Il était convenable que la sainte des forêts fît des miracles doux comme les mousses qu’elle habite, charmants comme les eaux qui la voilent.

C’est dans les grands événements de la vie que les coutumes religieuses offrent aux malheureux leurs consolations. Nous avons été