Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blancs, ces hommes divins, assis sous quelque platane, dictoient leurs leçons à tout un peuple ravi. Et quelles étoient ces institutions des Amphion, des Cadmus, des Orphée ? Une belle musique appelée Loi, des danses, des cantiques, quelques arbres consacrés, des vieillards conduisant des enfants, un hymen formé auprès d’un tombeau, la religion et Dieu partout. C’est aussi ce que le christianisme a fait, mais d’une manière encore plus admirable.

Cependant les hommes ne s’accordent jamais sur les principes, et les institutions les plus sages ont trouvé des détracteurs. On s’est élevé dans ces derniers temps contre le vœu de célibat, attaché au sacrement d’Ordre. Les uns, cherchant partout des armes contre la religion, en ont cru trouver dans la religion même : ils ont fait valoir l’ancienne discipline de l’Église, qui, selon eux, permettoit le mariage du prêtre ; les autres se sont contentés de faire de la chasteté chrétienne l’objet de leurs railleries. Répondons d’abord aux esprits sérieux et aux objections morales.

Il est certain d’abord que le septième canon du second concile de Latran, l’an 1139, fixe sans retour le célibat du clergé catholique à une époque plus reculée : on peut citer quelques dispositions du concile de Latran[1], en 1123 ; de Tibur[2], en 895 ; de Troli[3], en 909 ; de Tolède[4], en 633, et de Calcédoine[5], en 451. Baronius prouve que le vœu de célibat étoit général parmi le clergé dès le VIe siècle[6]. Un canon du premier concile de Tours excommunie tout prêtre, diacre ou sous-diacre, qui auroit conservé sa femme après avoir reçu les ordres. Si inventus fuerit presbyter cum sua presbytera, aut diaconus cum sua diaconissa, aut subdiaconus cum sua subdiaconissa, annum integrum excommunicatus habeatur[7]. Dès le temps de saint Paul, la virginité étoit regardée comme l’état le plus parfait pour un chrétien.

Mais en admettant un moment que le mariage des prêtres eût été toléré dans la primitive Église, ce qui ne peut se soutenir ni historiquement ni canoniquement, il ne s’ensuivroit pas qu’il dût être permis à présent aux ecclésiastiques. Les mœurs modernes s’opposent à cette innovation, qui détruiroit d’ailleurs de fond en comble la discipline de l’Église.

Dans les anciens jours de la religion, jours de combats et de triomphes, les chrétiens, peu nombreux et remplis de vertu, vivoient fraternellement ensemble, goûtoient les mêmes joies, partageoient les mêmes tribulations à la table du Seigneur. Le pasteur aurait donc

  1. Can. XXI.
  2. Cap. XXVIII.
  3. Cap. VIII.
  4. Can. LII.
  5. Can. XVI.
  6. Baron., An. LXXXIII, n°18.
  7. Can. XX.