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digne de remarque qu’il a raconté aussi la faute de son maître. Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le seul de ses disciples qui l’eût renié. Tout l’esprit du christianisme est là : saint Pierre est l’Adam de la nouvelle loi ; il est le père coupable et repentant des nouveaux Israélites. Sa chute nous enseigne en outre que la religion chrétienne est une religion de miséricorde, et que Jésus-Christ a établi sa loi parmi les hommes sujets à l’erreur, moins encore pour l’innocence que pour le repentir.

L’Evangile de saint Matthieu est surtout précieux pour la morale. C’est cet apôtre qui nous a transmis le plus grand nombre de ces préceptes en sentiments qui sortaient avec tant d’abondance des entrailles de Jésus-Christ.

Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre. On reconnaît en lui le disciple que Jésus aimait, le disciple qu’il voulut avoir auprès de lui, au jardin des Oliviers, pendant son agonie. Sublime distinction sans doute ! car il n’y a que l’ami de notre âme qui soit digne d’entrer dans le mystère de nos douleurs. Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l’Homme jusqu’à la croix. Ce fut là que le Sauveur lui légua sa mère. Mulier, ecce filiius tuus ; deinde dixit discipuo : Ecce mater tua. Mot céleste, parole ineffable ! Le disciple bien aimé, qui avait dormi sur le sein de son Maître, avait gardé de lui une image ineffaçable : aussi le reconnut-il le premier après sa résurrection. Le cœur de Jean ne put se méprendre aux traits de son divin ami, et la foi lui vint de la charité.

Au reste, l’esprit de tout l’Evangile de saint Jean est renfermé dans cette maxime qu’il allait répétant dans sa vieillesse : cet apôtre, rempli de jours et de bonnes œuvres, ne pouvant plus faire de longs discours au nouveau peuple qu’il avait enfanté à Jésus-Christ, se contentait de lui dire : Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.

Saint Jérôme prétend que saint Luc était médecin, profession si noble et si belle dans l’antiquité, et que son Evangile est la médecine de l’âme. Le langage de cet apôtre est pur et élevé : on voit que c’était un homme versé dans les lettres et qui connaissait les affaires et les hommes de son temps. Il entre dans son récit à la manière des anciens historiens ; vous croyez entendre Hérodote :

" 1 o Comme plusieurs ont entrepris d’écrire l’histoire des choses qui se sont accomplies parmi nous ;

" 2 o Suivant le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement