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Polyeucte.

Au nom de cet amour, daignez suivre mes pas.

Pauline.

C’est peu de me quitter, tu veux donc me séduire ?

Polyeucte.

C’est peu d’aller au ciel, je veux vous y conduire.

Pauline.

Imaginations !

Polyeucte.

Célestes vérités !

Pauline.

Etrange aveuglement !

Polyeucte.

Eternelles clartés !

Pauline.

Tu préfères la mort à l’amour de Pauline !

Polyeucte.

Vous préférez le monde à la bonté divine, etc., etc

Voilà ces admirables dialogues, à la manière de Corneille, où la franchise de la repartie, la rapidité du tour et la hauteur des sentiments ne manquent jamais de ravir le spectateur. Que Polyeucte est sublime dans cette scène ! Quelle grandeur d’âme, quel divin enthousiasme, quelle dignité ! La gravité et la noblesse du caractère chrétien sont marquées jusque dans ces vous opposés aux tu de la fille de Félix : cela seul met déjà tout un monde entre le martyr Polyeucte et la païenne Pauline.

Enfin, Corneille a déployé la puissance de la passion chrétienne dans ce dialogue admirable et toujours applaudi, comme parle Voltaire.

Félix propose à Polyeucte de sacrifier aux faux dieux ; Polyeucte le refuse :

Félix.

Enfin ma bonté cède à ma juste fureur :

Adore-les, ou meurs !

Polyeucte.

Je suis chrétien.

Félix.

Impie !

Adore-les, te dis-je, ou renonce à la vie !

Polyeucte.

Je suis chrétien.

Félix.

Tu l’es ? O cœur trop obstiné !

Soldats, exécutez l’ordre que j’ai donné.