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père, non comme naissent les corps, mais comme naît dans notre âme cette parole intérieure que nous y sentons, quand nous contemplons la vérité.

« Mais la fécondité de notre esprit ne se termine pas à cette parole intérieure, à cette pensée intellectuelle, à cette image de la vérité qui se forme en nous. Nous aimons et cette parole intérieure, et l’esprit où elle naît ; et en l’aimant nous sentons en nous quelque chose qui ne nous est pas moins précieux que notre esprit et notre pensée, qui est le fruit de l’un et de l’autre, qui les unit, qui s’unit à eux, et ne fait avec eux qu’une même vie.

« Ainsi, autant qu’il se peut trouver de rapport entre Dieu et l’homme, ainsi, dis-je, se produit en Dieu l’amour éternel, qui sort du Père qui pense, et du Fils qui est sa pensée, pour faire avec lui et sa pensée une même nature, également heureuse et parfaite[1]. »

Voilà un assez beau commentaire, à propos d’un seul mot de la Genèse : Faisons l’homme.

Tertullien, dans son Apologétique, s’exprime ainsi sur le grand mystère de notre religion :

« Dieu a créé le monde par sa parole, sa raison et sa puissance. Vos philosophes mêmes conviennent que logos, le verbe et la raison, est le créateur de l’univers. Les chrétiens ajoutent seulement que la propre substance du verbe et de la raison, cette substance par laquelle Dieu a tout produit, est esprit ; que cette parole, ou le verbe, a dû être prononcé par Dieu ; que Dieu, l’ayant prononcé, l’a engendré ; que conséquemment il est Fils de Dieu, et Dieu, à cause de l’unité de substance. Si le soleil prolonge un rayon, sa substance n’est pas séparée, mais étendue. Ainsi le verbe est esprit d’un esprit, et Dieu de Dieu, comme une lumière allumée d’une autre lumière. Ainsi ce qui procède de Dieu est Dieu, et les deux avec leur esprit ne font qu’un, différant en propriété, non en nombre ; en ordre, non en nature : le Fils est sorti de son principe sans le quitter. Or, ce rayon de Dieu est descendu dans le sein d’une vierge ; il s’est revêtu de chair ; il s’est fait homme uni à Dieu. Cette chair, soutenue de l’esprit, se nourrit, croît, parle, enseigne, opère : c’est le Christ. »

Cette démonstration de la Trinité peut être comprise par les esprits les plus simples. Il se faut souvenir que Tertullien parloit à des hommes qui persécutoient Jésus-Christ, et qui n’auroient pas mieux aimé que de trouver moyen d’attaquer la doctrine, et même la personne de ses défenseurs. Nous ne pousserons pas plus loin ces preuves,

  1. Boss., Hist. univ., sec. part., p. 167 et 168, t. II, édit. stér.