Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

on que le hasard n’a pu former le monde, parce qu’il n’y aurait eu qu’une seule chance favorable contre d’incalculables impossibilités, l’incrédule en convient, mais il répond que cette chance existait. C’est en tout la même manière de raisonner. De sorte que d’après l’athée la nature est un livre où la vérité se trouve toujours dans la note, et jamais dans le texte, une langue dont les barbarismes forment seuls l’essence et le génie.

Quand on vient d’ailleurs à examiner ces prétendues exceptions, on découvre ou qu’elles tiennent à des causes locales, ou qu’elles rentrent même dans la loi établie. Ici, par exemple, il est faux qu’il y ait des sauvages qui n’aient aucune notion de la Divinité. Les voyageurs qui avaient avancé ce fait ont été démentis par d’autres voyageurs, mieux instruits. Parmi les incrédules des bois on avait cité les hordes canadiennes : eh bien, nous les avons vus, ces sophistes de la hutte, qui devaient avoir appris dans le livre de la nature, comme nos philosophes dans les leurs, qu’il n’y a ni Dieu ni avenir pour l’homme ; ces Indiens sont d’absurdes barbares, qui voient l’âme d’un enfant dans une colombe ou dans une touffe de sensitives. Les mères chez eux sont assez insensées pour épancher leur lait sur le tombeau de leur fils, et elles donnent à l’homme au sépulcre la même attitude qu’il avait dans le sein maternel. Elles prétendent enseigner ainsi que la mort n’est qu’une seconde mère, qui nous enfante à une autre vie. L’athéisme ne fera jamais rien de ces peuples qui doivent à la Providence le logement, l’habit et la nourriture ; et nous conseillons aux incrédules de se défier de ces alliés corrompus qui reçoivent secrètement des présents de l’ennemi.

Autre objection.

" Puisque l’esprit croît et décroît avec l’âge, puisqu’il suit les altérations de la matière, il est donc lui-même de nature matérielle, conséquemment divisible et sujet à périr. "

Ou l’esprit et le corps sont deux êtres différents, ou ils ne sont que le même être. S’ils sont deux, il vous faut convenir que l’esprit est renfermé dans le corps : il en résulte qu’aussi longtemps que durera cette union, l’esprit sera en quelques degrés soumis aux liens qui le pressent. Il paraîtra s’élever ou s’abaisser dans les proportions de son enveloppe.

L’objection ne subsiste donc plus dans l’hypothèse où l’esprit et le corps sont considérés comme deux substances distinctes.

Dans celle où vous supposez qu’ils ne sont qu’un et tout, partageant même vie et même mort, vous êtes tenus à prouver l’assertion. Or, il est depuis longtemps démontré que l’esprit est essentiellement différent