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Observez d’ailleurs, messieurs, une chose qui tranche la question. Mon amendement, qui n’est autre chose, comme vous le verrez bientôt, que l’article 1er de la loi du 15 avril 1818, s’exprime d’une manière étendue comme cet article ; il ne renferme pas le crime dans le fait unique de l’achat et de la vente de l’esclave : le bon sens et l’efficacité de la loi voulaient qu’il fût ainsi rédigé.

Un vaisseau arrive sur la côte de l’Afrique pour faire la traite, le capitaine trouve une moisson abondante, et si abondante, que son navire ne suffit pas pour la porter ; un autre vaisseau survient, le capitaine le nolise, y verse une partie de sa cargaison. Le vaisseau nolisé part pour les Antilles ; il est rencontré et arrêté, bien que le capitaine de ce vaisseau n’ait acheté ni ne doive vendre pour son compte les esclaves dont il ne fait que le commerce interlope. Ce capitaine comparaît devant les tribunaux, et il est condamné ; et pourquoi ? parce que la loi du 15 avril 1818 dit très justement : " Toute part quelconque qui serait prise au trafic connu sous le nom de la traite des noirs. "

Voilà précisément le cas de ces affreux nolis qui ont lieu dans la Méditerranée, et voilà le crime que mon amendement est destiné à prévenir.

Je veux croire, messieurs, qu’aucun navire français n’a taché son pavillon blanc dans ce damnable trafic, qu’aucun sujet des descendants du saint roi qui mourut à Tunis pour la délivrance des chrétiens n’a eu la main dans ces abominations ; mais, quel que soit le criminel, que je ne recherche point, le crime certainement a été commis : or, il me semble qu’il est de. notre devoir rigoureux de le tenir au moins sous le coup d’une menace.

Il y a, messieurs, des articles que l’on peut oublier d’insérer dans une loi, mais qu’on ne peut refuser d’y admettre lorsqu’une fois ils ont été proposés. J’ose donc espérer que messieurs les ministres du roi eux-mêmes seront favorables à l’amendement dont je vais donner la lecture à la chambre. Lorsque j’avais l’honneur de siéger avec eux dans le conseil de Sa Majesté, je sais avec quel empressement ils adoptèrent une réponse à la dépêche d’un cabinet étranger pour essayer de mettre un terme au déchirement de la Grèce. Je me plais à révéler ces sentiments qui font leur honneur, et j’espère que si la politique nous divise, l’humanité au moins nous réunira.

Je me résume, messieurs.

Si la loi sur la traite des noirs avait été moins particulière dans l’énoncé des délits et crimes qu’elle condamne, le projet de loi que nous examinons embrassant les crimes et délits qui se commettent