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Etonne le génie et confond notre orgueil,

Égypte vénérable, où du fond du cercueil
Ta grandeur colossale insulte à nos chimères,
C’est ton peuple qui sut à ces barques légères
Dont rien ne dirigeait le cours audacieux
Chercher des guides sûrs dans la voûte des cieux.
Quand le fleuve sacré qui féconde tes rives
T’apportait en tribut ses ondes fugitives,
Et, sur l’émail des prés égarant les poissons,
Du limon de ses flots nourrissait tes moissons,
Les hameaux, dispersés sur les hauteurs fertiles,
D’un nouvel Océan semblaient former les îles ;
Les palmiers, ranimés par la fraîcheur des eaux,
Sur l’onde salutaire abaissaient leurs rameaux ;
Par les feux du Cancer Syène poursuivie
Dans ses sables brûlants sentait filtrer la vie ;
Et des murs de Péluse aux lieux où fut Memphis,
Mille canots flottaient sur la terre d’Isis.
Le faible papyrus, par des tissus fragiles,
Formait les flancs étroits de ces barques agiles,
Qui, des lieux séparés conservant les rapports,
Réunissaient l’Égypte en parcourant ses bords.
Mais lorsque dans les airs la Vierge triomphante
Ramenait vers le Nil son onde décroissante,
Quand les troupeaux bêlants et les épis dorés
S’emparaient à leur tour des champs désaltérés,
Alors d’autres vaisseaux à l’active industrie
Ouvraient des aquilons l’orageuse patrie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Alors mille cités que décoraient les arts,
L’immense Pyramide, et cent palais épars,
Du Nil enorgueilli couronnaient le rivage.
Dans les sables d’Ammon le porphyre sauvage,
En colonne hardie élancé dans les airs,
De sa pompe étrangère étonnait les déserts.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
O grandeur des mortels ! O temps impitoyable !
Les destins sont comblés : dans leur course immuable,
Les siècles ont détruit cet éclat passager
Que la superbe Égypte offrit à l’étranger 11. .