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point du jour il devait lire les lettres qui lui étaient adressées de tous côtés, afin qu’instruit par lui-même des besoins de son royaume il pût pourvoir à tout et remédier à tout. Après avoir pris le bain, il se revêtait d’une robe précieuse et des autres marques de la royauté, pour aller sacrifier aux dieux. Quand les victimes avaient été amenées à l’autel, le grand-prêtre, debout et en présence de tout le peuple, demandait aux dieux à haute voix qu’ils conservassent le roi et répandissent sur lui toute sorte de prospérité, parce qu’il gouvernait ses sujets avec justice. Il insérait ensuite dans sa prière un dénombrement de toutes les vertus propres à un roi, en continuant ainsi : Parce qu’il est maître de lui-même, magnanime, bienfaisant, doux envers les autres, ennemi du mensonge ; ses punitions n’égalent point les fautes, et ses récompenses passent les services. Après avoir dit plusieurs choses semblables, il condamnait les manquements où le roi était tombé par ignorance. Il est vrai qu’il en disculpait le roi même ; mais il chargeait d’exécrations les flatteurs et tous ceux qui lui donnaient de mauvais conseils. Le grand-prêtre en usait de cette manière parce que les avis mêlés de louanges sont plus efficaces que les remontrances amères pour porter les rois à la crainte des dieux et à l’amour de la vertu. En suite de cela le roi ayant sacrifié et consulté les entrailles de la victime, le lecteur des livres sacrés lui lisait quelques actions ou quelques paroles remarquables des grands hommes, afin que le souverain de la république, ayant l’esprit plein d’excellents principes, en fit usage dans les occasions qui se présenteraient à lui. "

C’est bien dommage que l’illustre archevêque de Cambrai, au lieu de peindre une Égypte imaginaire, n’ait pas emprunté ce tableau, en lui donnant les couleurs que son heureux génie aurait su y répandre. Faydit a raison sur ce seul point, si l’on peut avoir raison quand on manque absolument de décence, de bonne foi et de goût. Mais il aurait toujours fallu que Fénelon conservât à tout prix le fond des aventures par lui inventées et racontées dans le style le plus antique : l’épisode de Termosiris vaut seul un long poème :

" Je m’enfonçai dans une sombre forêt, ou j’aperçus tout à coup un vieillard qui tenait un livre dans sa main. Ce vieillard avait un grand front chauve et un peu ridé ; une barbe blanche pendait jusqu’à sa ceinture ; sa taille était haute et majestueuse ; son teint était encore frais et vermeil ; ses yeux étaient vifs et perçants, sa voix douce, ses paroles simples et aimables. Jamais je n’ai vu un si vénérable vieillard : il s’appelait Termosiris… "

Nous passâmes par le canal de Ménouf, ce qui m’empêcha de voir le beau bois de palmiers qui se trouve sur la grande branche de l’ouest ;