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" O vous tous qui passez par le chemin, considérez et voyez s’il y a une douleur comme la mienne !
" Le Seigneur a résolu d’abattre la muraille de la fille de Sion : il a tendu son cordeau, et il n’a point retiré sa main que tout ne fût renversé : le boulevard est tombé d’une manière déplorable, et le mur a été détruit de même.
" Ses portes sont enfoncées dans la terre ; il en a rompu et brisé les barres ; il a banni son roi et ses princes parmi les nations : il n’y a plus de loi ; et ses prophètes n’ont point reçu de visions prophétiques du Seigneur.
" Mes yeux se sont affaiblis à force de verser des larmes, le trouble a saisi mes entrailles ; mon cœur s’est répandu en terre en voyant la ruine de la fille de mon peuple, en voyant les petits enfants et ceux qui étaient encore à la mamelle tomber morts dans la place de la ville.
" A qui vous comparerai-je, ô fille de Jérusalem ? A qui dirai-je que vous ressemblez ?
" Tous ceux qui passaient par le chemin ont frappé des mains en vous voyant : ils ont sifflé la fille de Jérusalem en branlant la tête et en disant : Est-ce là cette ville d’une beauté si parfaite, qui était la joie de toute la terre ? "

Vue de la montagne des Oliviers, de l’autre coté de la vallée de Josaphat, Jérusalem présente un plan incliné sur un sol qui descend du couchant au levant. Une muraille crénelée, fortifiée par des tours et par un château gothique, enferme la ville dans son entier, laissant toutefois au dehors une partie de la montagne de Sion, qu’elle embrassait autrefois.

Dans la région du couchant et au centre de la ville, vers le Calvaire, les maisons se serrent d’assez près ; mais au levant, le long de la vallée de Cédron, on aperçoit des espaces vides, entre autres l’enceinte qui règne autour de la mosquée bâtie sur les débris du temple, et le terrain, presque abandonné, où s’élevaient le château Antonia et le second palais d’Hérode.

Les maisons de Jérusalem sont de lourdes masses carrées, fort basses, sans cheminées et sans fenêtres ; elles se terminent en terrasses aplaties ou en dômes, et elles ressemblent à des prisons ou à des sépulcres, Tout serait à l’œil d’un niveau égal, si les clochers des églises, les minarets des mosquées, les cimes de quelques cyprès et les buissons de nopals, ne rompaient l’uniformité du plan. A la vue de ces maisons de pierre, renfermées dans un paysage de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d’un cimetière au milieu d’un désert.