Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DEUXIÈME PARTIE


Comme le consentement universel des nations démontre l’existence de la grande vérité religieuse, il est des vérités secondaires qui tirent leur preuve de l’acquiescement général des esprits. Quand vous voyez des hommes de génie différent, de mœurs opposées, de principes, d’intérêts et même de passions contraires, s’accorder sur un point, vous pouvez hardiment prononcer qu’il y a dans ce point consenti une vérité incontestable.

Appliquez cette observation aux affaires de la Grèce. Que feraient des peuples rivaux, s’ils étaient les maîtres ? Ils affranchiraient cet infortuné pays. Que pensent les esprits susceptibles de voir les objets sous des rapports dissemblables ? que pensent-ils, ces esprits, à l’égard de la légitimité dont les mahométans réclament les droits sur la Grèce conquise et chrétienne ? Ils pensent que cette légitimité n’existe pas.

M. de Bonald a soutenu cette thèse avec toute la conviction de sa foi et la force de sa logique ; M. Benjamin Constant, dans une brochure pleine de raison et de talent, a montré que cette prétendue légitimité était une monstruosité d’après les définitions mêmes des plus grands publicistes, et qu’il ne fallait pas joindre à l’absurdité du principe l’imprévoyance, plus dangereuse encore, de discipliner des barbares ; M. Pouqueville, dans son ouvrage substantiel et rempli de faits, a établi les mêmes vérités ; M. Charles Lacretelle, dans des discours animés d’une chaleur et d’une vie extraordinaires, a plaidé la cause des infortunés Hellènes d’une manière digne de cette cause ; M. Villemain, dans son Essai sur l’état des Grecs, a retracé avec toute l’autorité de l’éloquence et toute la puissance des témoignages historiques les droits que les Grecs ont à la liberté 5. . Et nous, si nous osons nous compter pour