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le couchant et le septentrion. On ne le peut placer à l’orient de la tour angulaire qu’assiégeait Tancrède, car alors Herminie n’eût pas rencontré le héros blessé, lorsqu’elle revenait de Gaza avec Vafrin.

Quant à la dernière action du poème, qui, selon la vérité, se passa près d’Ascalon, le Tasse, avec un jugement exquis, l’a transportée sous les murs de Jérusalem. Dans l’histoire, cette action est très peu de chose ; dans le poème, c’est une bataille supérieure à celles de Virgile et égale aux plus grands combats d’Homère.

Je vais maintenant donner le siège de Jérusalem tiré de nos vieilles chroniques : les lecteurs pourront comparer le poème et l’histoire.

Le moine Robert est de tous les historiens des croisades celui qu’on cite le plus souvent. L’Anonyme de la collection Gesta Dei per Francos est plus ancien, mais son récit est trop sec. Guillaume de Tyr pèche par le défaut contraire. Il faut donc s’arrêter au moine Robert : sa latinité est affectée ; il copie les tours des poètes, mais, par cette raison même, au milieu de ses jeux de mots et de ses pointes 1. , il est moins barbare que ses contemporains, il a d’ailleurs une certaine critique et une imagination brillante.

" L’armée se rangea dans cet ordre autour de Jérusalem : le comte de Flandre et le comte de Normandie déployèrent leurs tentes du côté du septentrion, non loin de l’église bâtie sur le lieu où Saint Etienne, premier martyr, fut lapidé 2.  ; Godefroy et Tancrède se placèrent à l’occident ; le comte de Saint-Gilles campa au midi, sur la montagne de Sion 3. , autour de l’église de Marie, mère du Sauveur, autrefois la maison où le Seigneur fit la cène avec ses disciples. Les tentes ainsi disposées, tandis que les troupes fatiguées de la route se reposaient et construisaient les machines propres au combat, Raimond Pilet 4. , Raimond de Turenne, sortirent du camp avec plusieurs autres pour visiter les lieux voisins, dans la crainte que les ennemis ne vinssent les surprendre avant que les croisés fussent préparés. Ils rencontrèrent sur leur route trois cents Arabes ; ils en tuèrent plusieurs, et leur prirent