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Le lieu de la scène est aisé à trouver. Clorinde ne peut rentrer avec Argant par la porte Dorée : elle est donc sous le temple, dans la vallée de Siloé. Tancrède la poursuit ; le combat commence ; Clorinde mourante demande le baptême ; Tancrède, plus infortuné que sa victime, va puiser de l’eau à une source voisine ; par cette source le lieu est déterminé :

Poco quindi lontan nel sen del monte,
Scaturia mormorando un picciol rio.

C’est la fontaine de Siloé, ou plutôt la source de Marie, qui jaillit ainsi du pied de la montagne de Sion.

Je ne sais si la peinture de la sécheresse, dans le treizième chant, n’est pas le morceau du poème le mieux écrit : le Tasse y marche l’égal d’Homère et de Virgile. Ce morceau, travaillé avec soin, a une fermeté et une pureté de style qui manquent quelquefois aux autres parties de l’ouvrage :

Spenta è del cielo ogni benigna lampa, etc.
" Jamais le soleil ne se lève que couvert de vapeurs sanglantes, sinistre présage d’un jour malheureux ; jamais il ne se couche que des taches rougeâtres ne menacent d’un aussi triste lendemain. Toujours le mal présent est aigri par l’affreuse certitude du mal qui doit le suivre.
" Sous les rayons brûlants, la fleur tombe desséchée ; la feuille pâlit, l’herbe languit altérée ; la terre s’ouvre et les sources tarissent Tout éprouve la colère céleste, et les nues stériles répandues dans les airs n’y sont plus que des vapeurs enflammées.
" Le ciel semble une noire fournaise ; les yeux ne trouvent plus où se reposer ; le zéphyr se tait, enchaîné dans ses grottes obscures : l’air est immobile ; quelquefois seulement la brûlante haleine d’un vent qui souffle du côté du rivage maure l’agite et l’enflamme encore davantage.
" Les ombres de la nuit sont embrasées de la chaleur du jour : son voile est allumé du feu des comètes et chargé d’exhalaisons funestes. O terre malheureuse ! le ciel te refuse sa rosée ; les herbes et les fleurs mourantes attendent en vain les pleurs de l’aurore.
" Le doux sommeil ne vient plus sur les ailes de la nuit verser ses pavots aux mortels languissants. D’une voix éteinte, ils implorent ses faveurs, et ne peuvent les obtenir. La soif, le plus cruel de tous les fléaux, consume les chrétiens : le tyran de la Judée a infecté toutes les