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Du quartier des Juifs nous nous rendîmes à la maison de Pilate, afin d’examiner par une fenêtre la mosquée du Temple ; il est défendu à tout chrétien, sous peine de mort, d’entrer dans le parvis qui environne cette mosquée : je me réserve à en faire la description lorsque je parlerai des monuments de Jérusalem. A quelque distance du prétoire de Pilate, nous trouvâmes la piscine Probatique et le palais d’Hérode : ce dernier est une ruine dont les fondations appartiennent à l’antiquité.

Un ancien hôpital chrétien, aujourd’hui consacré au soulagement des Turcs, attira notre attention. On nous y montra une immense chaudière appelée la chaudière de sainte Hélène. Chaque musulman qui se présentait autrefois à cet hôpital recevait deux petits pains et des légumes cuits à l’huile ; le vendredi on ajoutait à cette distribution du riz accommodé au miel ou au résiné : tout cela n’a plus lieu ; à peine reste-t-il quelque trace de cette charité évangélique dont les émanations s’étaient comme attachées aux murs de cet hôpital.

Nous traversâmes de nouveau la ville, et, revenant chercher la porte de Sion, Ali-Aga me fit monter avec lui sur les murs : le drogman n’osa pas nous y suivre. Je trouvai quelques vieux canons de vingt-quatre ajustés sur des affûts sans roues et placés aux embrasures d’un bastion gothique. Un garde qui fumait sa pipe dans un coin voulut crier ; Ali le menaça de le jeter dans le fossé s’il ne se taisait, et il se tut : je lui donnai une piastre.

Les murs de Jérusalem, dont j’ai fait trois fois le tour à pied, présentent quatre faces aux quatre vents ; ils forment un carré long dont le grand côté court d’orient en occident, deux pointes de la boussole au midi. D’Anville a prouvé par les mesures et les positions locales que l’ancienne Jérusalem n’était pas beaucoup plus vaste que la moderne : elle occupait quasi le même emplacement, si ce n’est qu’elle enfermait toute la montagne de Sion et qu’elle laissait dehors le Calvaire. On ne doit pas prendre à la lettre le texte de Josèphe lorsque cet historien assure que les murs de la cité s’avançaient, au nord, jusqu’aux sépulcres des rois : le nombre des stades s’y oppose ; d’ailleurs, on pourrait