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élevée jadis à l’endroit même où Jésus-Christ monta au ciel après sa résurrection. On distingue sur le rocher l’empreinte du pied gauche d’un homme ; le vestige du pied droit s’y voyait aussi autrefois : la plupart des pèlerins disent que les Turcs ont enlevé ce second vestige pour le placer dans la mosquée du temple, mais le père Roger affirme positivement qu’il n’y est pas. Je me tais, par respect, sans pourtant être convaincu, devant des autorités considérables : saint Augustin, saint Jérôme, saint Paulin, Sulpice Sévère, le vénérable Bède, la tradition, tous les voyageurs anciens et modernes, assurent que cette trace marque un pas de Jésus-Christ. En examinant cette trace, on en a conclu que le Sauveur avait le visage tourné vers le nord au moment de son ascension comme pour renier ce midi infesté d’erreurs, pour appeler à la foi les barbares qui devaient renverser les temples des faux dieux, créer de nouvelles nations et planter l’étendard de la croix sur les murs de Jérusalem.

Plusieurs Pères de l’Église ont cru que Jésus-Christ s’éleva aux cieux au milieu des âmes des patriarches et des prophètes, délivrées par lui des chaînes de la mort : sa mère et cent vingt disciples furent témoins de son ascension. Il étendit les bras comme Moïse, dit saint Grégoire de Nazianze, et présenta ses disciples à son Père ; ensuite il croisa ses mains puissantes en les abaissant sur la tête de ses bien-aimés 24. , et c’était de cette manière que Jacob avait béni les fils de Joseph ; puis, quittant la terre avec une majesté admirable, il monta lentement vers les demeures éternelles, et se perdit dans une nue éclatante 25.  !

Sainte Hélène avait fait bâtir une église où l’on trouve aujourd’hui la mosquée octogone. Saint Jérôme nous apprend qu’on n’avait jamais pu fermer la voûte de cette église à l’endroit où Jésus-Christ prit sa route à travers les airs. Le vénérable Bède assure que de son temps, la veille de l’Ascension, on voyait pendant la nuit la montagne des Oliviers couverte de feux. Rien n’oblige à croire ces traditions, que je rapporte seulement pour faire connaître l’histoire et les mœurs ; mais si Descartes et Newton eussent philosophiquement douté de ces merveilles, Racine et Milton ne les auraient pas poétiquement répétées.

Telle est l’histoire évangélique expliquée par les monuments. Nous l’avons vue commencer à Bethléem, marcher au dénouement chez Pilate, arriver à la catastrophe au Calvaire, et se terminer sur la montagne des Oliviers. Le lieu même de l’Ascension n’est pas tout à fait à la cime de la montagne, mais à deux ou trois cents pas au-dessous du plus haut sommet 26. .