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à la droite du chemin. On les appelle les Tombeaux des Prophètes ; elles n’ont rien de remarquable, et l’on ne sait trop de quels prophètes elles peuvent garder les cendres.

Un peu au-dessus de ces grottes nous trouvâmes une espèce de citerne, composée de douze arcades ce fut là que les apôtres composèrent le premier symbole de notre croyance. Tandis que le monde entier adorait à la face du soleil mille divinités honteuses, douze pêcheurs, cachés dans les entrailles de la terre, dressaient la profession de foi du genre humain et reconnaissaient l’unité du Dieu créateur de ces astres à la lumière desquels on n’osait encore proclamer son existence. Si quelque Romain de la cour d’Auguste, passant auprès de ce souterrain, eût aperçu les douze Juifs qui composaient cette œuvre sublime, quel mépris il eût témoigné pour cette troupe superstitieuse ! Avec quel dédain il eût parlé de ces premiers fidèles ! Et pourtant ils allaient renverser les temples de ce Romain, détruire la religion de ses pères, changer les lois, la politique, la morale, la raison, et jusqu’aux pensées des hommes. Ne désespérons donc jamais du salut des peuples. Les chrétiens gémissent aujourd’hui sur la tiédeur de la foi : qui sait si Dieu n’a point planté dans une aire inconnue le grain de sénevé qui doit multiplier dans les champs ? Peut-être cet espoir de salut est-il sous nos yeux sans que nous nous y arrêtions ; peut-être nous paraît-il aussi absurde que ridicule. Mais qui aurait jamais pu croire à la folie de la Croix ?

On monte encore un peu plus haut, et l’on rencontre les ruines ou plutôt l’emplacement désert d’une chapelle : une tradition constante enseigne que Jésus-Christ récita dans cet endroit l’ Oraison dominicale.

" Un jour, comme il était en prière en un certain lieu, après qu’il eut cessé de prier, un de ses disciples lui dit : Seigneur, apprenez-nous à prier, ainsi que Jean l’a appris à ses disciples.
" Et il leur dit : Lorsque vous prierez, dites : Père, que votre nom soit sanctifié 22. , etc. "

Ainsi furent composées presqu’au même lieu la profession de foi de tous les hommes et la prière de tous les hommes.

A trente pas de là, en tirant un peu vers le nord, est un olivier au pied duquel le Fils du souverain Arbitre prédit le jugement universel 23. .

Enfin, on fait encore une cinquantaine de pas sur la montagne, et l’on arrive à une petite mosquée, de forme octogone, reste d’une église