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L’abbé Mariti a très bien recueilli les faits historiques touchant cette ville célèbre 31.  ; il a aussi parlé des productions de Jéricho, de la manière d’extraire l’huile de zaccon, etc. : il serait donc inutile de le répéter, à moins de faire, comme tant d’autres, un Voyage avec des Voyages. On sait aussi que les environs de Jéricho sont ornés d’une source dont les eaux autrefois amères furent adoucies par un miracle d’Elisée. Cette source est située à deux milles au-dessus de la ville, au pied de la montagne où Jésus-Christ pria et jeûna pendant quarante jours. Elle se divise en deux bras. On voit sur ses bords quelques champs de doura, des groupes d’acacias, l’arbre qui donne le baume de Judée 32. et des arbustes qui ressemblent au lilas pour la feuille, mais dont je n’ai pas vu la fleur. Il n’y a plus de roses ni de palmiers à Jéricho, et je n’ai pu y manger les nicolai d’Auguste : ces dattes, au temps de Belon, étaient fort dégénérées. Un vieil acacia protège la source ; un autre arbre se penche un peu plus bas sur le ruisseau qui sort de cette source, et forme sur ce ruisseau un pont naturel.

J’ai dit qu’Ali-Aga était né dans le village de Rihha (Jéricho), et qu’il en était gouverneur. Il me conduisit dans ses États, où je ne pouvais manquer d’être bien reçu de ses sujets : en effet, ils vinrent complimenter leur souverain. Il voulut me faire entrer dans une vieille masure qu’il appelait son château ; je refusai cet honneur, préférant dîner au bord de la source d’Elisée, nommée aujourd’hui source du roi. En traversant le village, nous vîmes un jeune Arabe assis à l’écart, la tête ornée de plumes, et paré comme dans un jour de fête. Tous ceux qui passaient devant lui s’arrêtaient pour le baiser au front et aux joues : on me dit que c’était un nouveau marié. Nous nous arrêtâmes à la source d’Elisée. On égorgea un agneau, qu’on mit rôtir tout entier à un grand bûcher au bord de l’eau ; un Arabe fit griller des gerbes de doura. Quand le festin fut préparé, nous nous assîmes en rond autour d’un plateau de bois, et chacun déchira avec ses mains une partie de la victime.

On aime à distinguer dans ces usages quelques traces des mœurs des anciens jours, et à retrouver chez les descendants d’Ismael des souvenirs d’Abraham et de Jacob.

Les Arabes, partout où je les ai vus, en Judée, en Égypte, et même en Barbarie, m’ont paru d’une taille plutôt grande que petite. Leur