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lumières du village de Rama. Le silence était profond autour de nous. Ce fut sans doute dans une pareille nuit que l’on entendit tout à coup la voix de Rachel : Vox in Rama audita est, ploratus et ululatus multus ; Rachel plorans filios suos, et noluit consolari, quia non sunt. Ici la mère d’Astyanax et celle d’Euryale sont vaincues : Homère et Virgile cèdent la palme de la douleur à Jérémie.

Nous arrivâmes par un chemin étroit et scabreux à Bethléem. Nous frappâmes à la porte du couvent ; l’alarme se mit parmi les religieux, parce que notre visite était inattendue, et que le turban d’Ali inspira d’abord l’épouvante mais tout fut bientôt expliqué.

Bethléem reçut son nom d’Abraham, et Bethléem signifie la Maison de Pain. Elle fut surnommée Ephrata (fructueuse), du nom de la femme de Caleb, pour la distinguer d’une autre Bethléem de la tribu de Zabulon. Elle appartenait à la tribu de Juda. Elle porta aussi le nom de Cité de David ; elle était la patrie de ce monarque, et il y garda les troupeaux dans son enfance. Abissan, septième juge d’Israel, Elimelech, Obed, Jessé et Booz naquirent comme David à Bethléem ; et c’est là qu’il faut placer l’admirable églogue de Ruth. Saint Mathias, apôtre, eut aussi le bonheur de recevoir le jour dans la cité où le Messie vint au monde.

Les premiers fidèles avaient élevé un oratoire sur la crèche du Sauveur. Adrien le fit renverser pour y placer une statue d’Adonis. Sainte Hélène détruisit l’idole, et bâtit au même lieu une église dont l’architecture se mêle aujourd’hui aux différentes parties ajoutées par les princes chrétiens. Tout le monde sait que saint Jérôme se retira à Bethléem. Bethléem, conquise par les croisés, retomba avec Jérusalem sous le joug infidèle ; mais elle a toujours été l’objet de la vénération des pèlerins. De saints religieux, se dévouant à un martyre perpétuel, l’ont gardée pendant sept siècles. Quant à la Bethléem moderne, à son sol, à ses productions, à ses habitants, on peut consulter M. de Volney. Je n’ai pourtant point remarqué dans la vallée de Bethléem la fécondité qu’on lui attribue : il est vrai que sous le gouvernement turc le terrain le plus fertile devient désert en peu d’années.

Le 5 octobre, à quatre heures du matin, je commençai la revue des monuments de Bethléem. Quoique ces monuments aient été souvent décrits, le sujet par lui-même est si intéressant, que je ne puis me dispenser d’entrer dans quelques détails.

Le couvent de Bethléem tient à l’église par une cour fermée de hautes murailles. Nous traversâmes cette cour, et une petite porte latérale nous donna passage dans l’église. Cette église est certainement d’une haute antiquité, et, quoique souvent détruite et souvent réparée,