Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

poudreux. El-Biré se montre au loin au sommet d’une haute montagne, sur la route de Nablous, Nabolos ou Nabolosa, la Sichem du royaume d’Israel, et la Néapolis des Hérodes. Nous continuâmes à nous enfoncer dans un désert, où des figuiers sauvages clairsemés étalaient au vent du midi leurs feuilles noircies. La terre, qui jusque alors avait conservé quelque verdure, se dépouilla, les flancs des montagnes s’élargirent et prirent à la fois un air plus grand et plus stérile. Bientôt toute végétation cessa ; les mousses mêmes disparurent. L’amphithéâtre des montagnes se teignit d’une couleur rouge et ardente. Nous gravîmes pendant une heure ces régions attristées pour atteindre un col élevé que nous voyions devant nous. Parvenus à ce passage, nous cheminâmes pendant une autre heure sur un plateau nu semé de pierres roulantes. Tout à coup, à l’extrémité de ce plateau, j’aperçus une ligne de murs gothiques flanqués de tours carrées, et derrière lesquels s’élevaient quelques pointes d’édifices. Au pied de ces murs paraissait un camp de cavalerie turque dans toute la pompe orientale. Le guide s’écria : " El-Cods ! " La Sainte (Jérusalem) ! et il s’enfuit au grand galop 20. .

Je conçois maintenant ce que les historiens et les voyageurs rapportent de la surprise des croisés et des pèlerins à la première vue de Jérusalem 21. .

Je puis assurer que quiconque a eu comme moi la patience de lire à peu près deux cents relations modernes de la Terre Sainte, les compilations rabbiniques et les passages des anciens sur la Judée, ne connaît rien du tout encore. Je restai les yeux fixés sur Jérusalem, mesurant la hauteur de ses murs, recevant à la fois tous les souvenirs de l’histoire, depuis Abraham jusqu’à Godefroy de Bouillon, pensant au monde entier changé par la mission du Fils de l’Homme, et cherchant vainement ce temple dont il ne reste pas pierre sur pierre. Quand je vivrais