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sans doute la rencontre que je fis du père Clément à Bethléem. Lorsqu’au retour de mon voyage on imprima dans le Mercure un ou deux fragments de l’Itinéraire, les critiques, en louant beaucoup trop mon style, eurent l’air de penser que mon imagination avoit fait tous les frais de l’histoire du père Clément. La lettre suivante fera voir si ce soupçon étoit bien fondé. La personne qui me fait l’honneur de m’écrire m’est tout à fait inconnue :


À MONSIEUR


MONSIEUR DE CHATEAUBRIAND


AUTEUR DES MARTYRS
ET DE L’ITINÉRAIRE DE PARIS À JÉRUSALEM ET DE JÉRUSALEM À PARIS.


À PARIS.


Au Pérai, 20 juin.

« En lisant votre Voyage de Paris à Jérusalem, monsieur, j’ai vu avec une augmentation d’intérêt la rencontre que vous avez faite du père Clément à Bethléem. Je le connois beaucoup : il a été mon aumônier avant la révolution. J’ai été en correspondance avec lui pendant son séjour en Portugal, et il m’annonça son voyage à la Terre Sainte. J’ai été extrêmement touchée de l’idée qu’il a été oublié dans sa patrie ; mon mari et moi avons conservé pour lui toute la considération que méritent ses vertus et sa piété. Nous serions enchantés qu’il voulût revenir demeurer avec nous ; nous lui offrons le même sort qu’il avoit autrefois, et de plus la certitude de ne jamais nous quitter. Je croirois amener la bénédiction sur ma maison, si je le décidois à y rentrer. Il auroit la plus parfaite liberté pour tous ses exercices de piété ; il nous connoît, nous n’avons point changé. J’aurois le bonheur d’avoir tous les jours la messe d’un saint homme. Je voudrois, monsieur, lui faire toutes mes propositions, mais j’ignore comment les lui faire passer. Oserai-je vous demander si vous n’auriez pas conservé quelque relation dans ce pays, ou si vous connoîtriez quelque moyen de lui faire passer ma lettre ? Connoissant vos principes religieux, monsieur, j’espère que vous me pardonnerez, si je suis indiscrète, en faveur du motif qui me conduit.

« J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et obéissante servante,

« Belin de Nan. »

« À Madame de Nan, en son château du Pérai, près Vaas, par Château-du-Loir, département de la Sarthe. »


J’ai répondu à Mme Belin de Nan, et, par une seconde lettre, elle m’a permis d’imprimer celle que je donne ici. J’ai écrit aussi au père Clément à Bethléem, pour lui faire part des propositions de Mme Belin.

Enfin, j’ai eu le bonheur de recevoir sous mon toit quelques-unes des personnes qui m’ont donné si généreusement l’hospitalité pendant mon voyage, en particulier M. Devoise, consul de France à Tunis : ce fut lui qui me