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nous nous assîmes sur une partie brisée de la frise du temple, et nous promenâmes nos regards autour de nous. Nous avions le mont Hymette à l’est, le Pentélique au nord, le Parnès au nord-ouest, les monts Icare, Cordyalus ou Oegalée à l’ouest, et par-dessus le premier on apercevait la cime du Cithéron ; au sud-ouest et au midi on voyait la mer, le Pirée, les côtes de Salamine, d’Egine, d’Epidaure, et la citadelle de Corinthe.

Au-dessous de nous, dans le bassin dont je viens de décrire la circonférence, on distinguait les collines et la plupart des monuments d’Athènes ; au sud-ouest, la colline du Musée avec le tombeau de Philopappus ; à l’ouest, les rochers de l’Aréopage, du Pnyx et du Lycabettus ; au nord, le petit mont Anchesme, et à l’est les hauteurs qui dominent le Stade. Au pied même de la citadelle, on voyait les débris du théâtre de Bacchus et d’Hérode Atticus. A la gauche de ces débris venaient les grandes colonnes isolées du temple de Jupiter Olympien ; plus loin encore, en tirant vers le nord-est, on apercevait l’enceinte du Lycée, le cours de l’Ilissus, le Stade et un temple de Diane ou de Cérès. Dans la partie de l’ouest et du nord-ouest, vers le grand bois d’oliviers, M. Fauvel me montrait la place du Céramique extérieur, de l’Académie et de son chemin bordé de tombeaux. Enfin, dans la vallée formée par l’Anchesme et la citadelle, on découvrait la ville moderne.

Il faut maintenant se figurer tout cet espace tantôt nu et couvert d’une bruyère jaune, tantôt coupé par des bouquets d’oliviers, par des carrés d’orge, par des sillons de vignes ; il faut se représenter des fûts de colonne et des bouts de ruines anciennes et modernes sortant du milieu de ces cultures ; des murs blanchis et des clôtures de jardins traversant les champs : il faut répandre dans la campagne des Albanaises qui tirent de l’eau ou qui lavent à des puits les robes des Turcs ; des paysans qui vont et viennent, conduisant des ânes ou portant sur leur dos des provisions à la ville ; il faut supposer toutes ces montagnes dont les noms sont si beaux, toutes ces ruines si célèbres, toutes ces îles, toutes ces mers non moins fameuses éclairées d’une lumière éclatante. J’ai vu, du haut de l’Acropolis, le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette ; les corneilles qui nichent autour de la citadelle, mais qui ne franchissent jamais son sommet, planaient au-dessous de nous ; leurs ailes noires et lustrées étaient glacées de rose par les premiers reflets du jour ; des colonnes de fumée bleue et légère montaient dans l’ombre le long des flancs de l’Hymette et annonçaient les parcs ou les chalets des abeilles ; Athènes, l’Acropolis et les débris du Parthénon se coloraient de la plus belle teinte de la fleur du pêcher ; les sculptures de Phidias, frappées horizontalement