Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

grimpâmes à la cabane la plus voisine : on nous y donna l’hospitalité.

Tandis que j’étais à la porte, recommandant je ne sais quoi à Joseph, je vis venir un Grec qui me salua en italien. Il me conta tout de suite son histoire ; il était d’Athènes ; il s’occupait à faire du goudron avec les pins des monts Géraniens ; il était l’ami de M. Fauvel, et certainement je verrais M. Fauvel. Je répondis que je portais des lettres à M. Fauvel. Je fus charmé de rencontrer cet homme, dans l’espoir de tirer de lui quelques renseignements sur les ruines dont j’étais environné et sur les lieux où je me trouvais. Je savais bien quels étaient ces lieux ; mais un Athénien qui connaissait M. Fauvel devait être un excellent cicérone. Je le priai donc de m’expliquer un peu ce que je voyais et de m’orienter dans le pays. Il mit la main sur son cœur à la façon des Turcs et s’inclina humblement : " J’ai entendu souvent, me répondit-il, M. Fauvel expliquer tout cela ; mais, moi, je ne suis qu’un ignorant, et je ne sais pas si tout cela est bien vrai. Vous voyez d’abord au levant, par-dessus le promontoire, la cime d’une montagne toute jaune : c’est le Telo-Vouni (le petit Hymette) ; l’île de l’autre côté de ce bras de mer, c’est Coulouri : M. Fauvel l’appelle Salamine. M. Fauvel dit que dans ce canal vis-à-vis de vous se donna un grand combat entre la flotte des Grecs et une flotte des Perses. Les Grecs occupaient ce canal ; les Perses étaient de l’autre côté, vers le port Lion (le Pirée) ; le roi de ces Perses, dont je ne sais plus le nom, était assis sur un trône à la pointe de ce cap. Quant au village où nous sommes, M. Fauvel l’appelle Eleusis, et nous autres Lepsina. M. Fauvel dit qu’il y avait un temple (le temple de Cérès) au-dessous de la maison où nous sommes : si vous voulez faire quelques pas, vous verrez l’endroit où était encore l’idole mutilée de ce temple (la statue de Cérès Eleusine) ; les Anglais l’ont emportée. "

Le Grec me quittant pour aller faire son goudron me laissa les yeux sur un rivage désert et sur une mer où pour tout vaisseau on voyait une barque de pêcheur attachée aux anneaux d’un môle en ruine.

Tous les voyageurs modernes ont visité Eleusis ; toutes les inscriptions en ont été relevées. L’abbé Fourmont lui seul en copia une vingtaine. Nous avons une très docte dissertation de M. de Sainte-Croix sur le temple d’Eleusis et un plan de ce temple par M. Foucherot. Warburton, Sainte-Croix, l’abbé Barthélemi, ont dit tout ce qu’il y avait de curieux à dire sur les mystères de Cérès, et le dernier nous en a décrit les pompes extérieures. Quant à la statue mutilée, emportée par deux voyageurs, Chandler la prend pour la statue de Proserpine et Spon pour la statue de Cérès. Ce buste colossal a, selon Pococke,