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grands dieux de la main de Praxitèle, un Jupiter-Olympien commencé par Théocosme et par Phidias, les tombeaux d’Alcmène, d’Iphigénie et de Térée. Ce fut sur ce dernier tombeau que la huppe parut pour la première fois : on en conclut que Térée avait été changée en cet oiseau, comme ses victimes l’avaient été en hirondelle et en rossignol. Puisque je faisais le voyage d’un poète, je devais profiter de tout et croire fermement, avec Pausanias, que l’aventure de la fille de Pandion commença et finit à Mégare. D’ailleurs, j’apercevais de Mégare les deux cimes du Parnasse : cela suffisait bien pour me remettre en mémoire les vers de Virgile et de La Fontaine :

Qualis populea moerens Philomela, etc.
" Autrefois Progné l’hirondelle, etc. ".

La Nuit ou l’Obscurité, et Jupiter-Conius 31, avaient leurs temples à Mégare : on peut bien dire que ces deux divinités y sont restées. On voit çà et là quelques murs d’enceinte : j’ignore si ce sont ceux qu’Apollon bâtit de concert avec Alcathoüs. Le dieu, en travaillant à cet ouvrage, avait posé sa lyre sur une pierre qui depuis ce temps rendait un son harmonieux quand on la touchait avec un caillou. L’abbé Fourmont recueillit trente inscriptions à Mégare. Pococke, Spon, Wheler et Chandler en trouvèrent quelques autres qui n’ont rien d’intéressant. Je ne cherchai point l’école d’Euclide ; j’aurais mieux aimé la maison de cette pieuse femme qui enterra les os de Phocion sous son foyer 32. Après une assez longue course, je retournai chez mon hôte, où l’on m’attendait pour aller voir une malade.

Les Grecs ainsi que les Turcs supposent que tous les Francs ont des connaissances en médecine et des secrets particuliers. La simplicité avec laquelle ils s’adressent à un étranger dans leurs maladies a quelque chose de touchant, et rappelle les anciennes mœurs : c’est une noble confiance de l’homme envers l’homme. Les sauvages en Amérique ont le même usage. Je crois que la religion et l’humanité ordonnent dans ce cas au voyageur de se prêter à ce qu’on attend de lui : un air d’assurance, des paroles de consolation peuvent quelquefois rendre la vie à un mourant et mettre une famille dans la joie.

Un Grec vint donc me chercher pour voir sa fille. Je trouvai une pauvre créature étendue à terre sur une natte et ensevelie sous les