Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, je sais respecter le public, et l’on auroit tort de penser que je livre au jour un ouvrage qui ne m’a coûté ni soins, ni recherches, ni travail : on verra que j’ai scrupuleusement rempli mes devoirs d’écrivain. Quand je n’aurois fait que donner une description détaillée des ruines de Lacédémone, découvrir un nouveau tombeau à Mycènes, indiquer les ports de Carthage ; je mériterois encore la bienveillance des voyageurs.

J’avois commencé à mettre en latin les deux Mémoires de l’Introduction, destinés à une académie étrangère ; il est juste que ma patrie ait la préférence.

Cependant, je dois prévenir le lecteur que cette Introduction est d’une extrême aridité. Elle n’offre qu’une suite de dates et de faits, dépouillés de tout ornement ; on peut la passer sans inconvénient, pour éviter l’ennui attaché à ces espèces de tables chronologiques.

Dans un ouvrage du genre de cet Itinéraire, j’ai dû souvent passer des réflexions les plus graves aux récits les plus familiers : tantôt m’abandonnant à mes rêveries sur les ruines de la Grèce, tantôt revenant aux soins du voyageur, mon style a suivi nécessairement le mouvement de ma pensée et de ma fortune. Tous les lecteurs ne s’attacheront donc pas aux mêmes endroits : les uns ne chercheront que mes sentiments, les autres n’aimeront que mes aventures ; ceux-ci me sauront gré des détails positifs que j’ai donnés sur beaucoup d’objets, ceux-là s’ennuieront de la critique des arts, de l’étude des monuments, des digressions historiques. Au reste, c’est l’homme beaucoup plus que l’auteur que l’on verra partout ; je parle éternellement de moi, et j’en parlois en sûreté, puisque je ne comptois point publier ces Mémoires. Mais comme je n’ai rien dans le cœur que je craigne de montrer au dehors, je n’ai rien retranché de mes notes originales. Enfin, j’aurai atteint le but que je me propose si l’on sent d’un bout à l’autre de cet ouvrage une parfaite sincérité. Un voyageur est une espèce d’historien : son devoir est de raconter fidèlement ce qu’il a vu ou ce qu’il a entendu dire ; il ne doit rien inventer, mais aussi il ne doit rien omettre ; et quelles que soient ses opinions particulières, elles ne doivent jamais l’aveugler au point de taire ou de dénaturer la vérité.

Je n’ai point chargé cet Itinéraire de notes ; j’ai seulement réuni à la fin de l’ouvrage trois opuscules qui éclaircissent mes propres travaux[1] :

  1. Les longues citations qui se trouvoient insérées dans le texte sont également rejetées, en notes, à la fin de l’Itinéraire.