Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Méthone, dans la guerre du Péloponèse. On voit par un fragment de Diodore de Sicile que Brasidas défendit cette ville contre les Athéniens. Le même Diodore l’appelle une ville de la Laconie, parce que la Messénie était une conquête de Lacédémone ; celle-ci envoya à Méthone une colonie de Naupliens, qui ne furent point chassés de leur nouvelle patrie lorsque Epaminondas rappela les Messéniens. Méthone suivit le sort de la Grèce quand celle-ci passa sous le joug des Romains. Trajan accorda des privilèges à Méthone. Le Péloponèse étant devenu l’apanage de l’empire d’Orient, Méthone subit les révolutions de la Morée : dévastée par Alaric, peut-être plus maltraitée par Stilicon, elle fut démembrée de l’empire grec en 1124 par les Vénitiens. Rendue à ses anciens maîtres l’année d’après, elle retomba au pouvoir des Vénitiens en 1204. Un corsaire génois l’enleva aux Vénitiens en 1208. Le doge Dandolo la reprit sur les Génois. Mahomet II l’enleva aux Vénitiens, ainsi que toute la Grèce, en 1498. Morosini la reconquit sur les Turcs en 1686, et les Turcs y entrèrent de nouveau en 1715. Trois ans après, Pellegrin passa dans cette ville, dont il nous a fait la description en y mêlant la chronique scandaleuse de tous les consuls français : ceci forme depuis Homère jusqu’à nous la suite de l’obscure histoire de Méthone. Pour ce qui regarde le sort de Modon pendant l’expédition des Russes en Morée, on peut consulter le premier volume du Voyage de M. de Choiseul et l’ Histoire de Pologne par Rulhière.

Le vice-consul allemand, logé dans une méchante cahute de plâtre, m’offrit de très bon cœur un souper composé de pastèques, de raisins et de pain noir : il ne faut pas être difficile sur des repas lorsqu’on est si près de Sparte. Je me retirai ensuite dans la chambre que l’on m’avait préparée, mais sans pouvoir fermer les yeux. J’entendais les aboiements du chien de la Laconie et le bruit du vent de l’Elide ; comment aurais-je pu dormir ? Le 11, à trois heures du matin, la voix du janissaire de l’aga m’avertit qu’il fallait partir pour Coron.

Nous montâmes à cheval à l’instant. Je vais décrire l’ordre de la marche, parce qu’il a été le même dans tout le voyage.

A notre tête paraissait le guide ou le postillon grec à cheval, tenant un autre cheval en laisse : ce second cheval devait servir de remonte en cas qu’il arrivât quelque accident aux chevaux des voyageurs. Venait ensuite le janissaire, le turban en tête, deux pistolets et un poignard à la ceinture, un sabre au côté, et un fouet à la main pour faire avancer les chevaux du guide. Je suivais, à peu près armé comme le janissaire, portant de plus un fusil de chasse ; Joseph fermait la marche. Ce Milanais était un petit homme blond à gros ventre, le teint fleuri, l’air affable ; il était tout habillé de velours bleu ; deux