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Jérusalem. Gibbon lui-même n’a pu s’empêcher de reconnaître l’authenticité des traditions religieuses en Palestine : " They fixed (Christians), dit-il, by unquestionable tradition the scene of each memorable event. " - " Ils fixèrent (les chrétiens) par une tradition non douteuse la scène de chaque événement mémorable219 ; " aveu d’un poids considérable dans la bouche d’un écrivain aussi instruit que l’historien anglais, et d’un homme en même temps si peu favorable à la religion.

Enfin, les traditions de lieux ne s’altèrent pas comme celle des faits, parce que la face de la terre ne change pas aussi facilement que celle de la société. C’est ce que remarque très bien d’Anville, dans son excellente Dissertation sur l’ancienne Jérusalem : " Les circonstance locales, dit-il, et dont la nature même décide, ne prennent aucune part aux changements que le temps et la fureur des hommes ont pu apporter à la ville de Jérusalem. " Aussi d’Anville retrouve-t-il avec une sagacité merveilleuse tout le plan de l’ancienne Jérusalem dans la nouvelle.

Le théâtre de la Passion, à l’étendre depuis la montagne des Oliviers jusqu’au Calvaire, n’occupe pas plus d’une lieue de terrain ; et voyez combien de choses faciles à signaler dans ce petit espace ! C’est d’abord une montagne appelée la montagne des Oliviers, qui domine la ville et le Temple à l’orient : cette montagne est là, et n’a pas changé ; c’est un torrent de Cédron : et ce torrent est encore le seul qui passe à Jérusalem ; c’est un lieu élevé à la porte de l’ancienne cité, où l’on mettait à mort les criminels : or, ce lieu élevé est aisé à retrouver entre le mont Sion et la porte Judicielle, dont il existe encore quelques vestiges. On ne peut méconnaître Sion, puisqu’elle était encore la plus haute colline de la ville. " Nous sommes, dit notre grand géographe, assurés des limites de cette ville dans la partie que Sion occupait. C’est le côté qui s’avance le plus vers le midi ; et non seulement on est fixé de manière à ne pouvoir s’étendre plus loin de ce côté-là, mais encore l’espace de l’emplacement que Jérusalem peut y prendre en largeur se trouve déterminé, d’une part par la pente ou l’escarpement de Sion qui regarde le couchant, et de l’autre par son extrémité opposée vers Cédron. "

Tout ce raisonnement est excellent, et on dirait que d’Anville l’a fait d’après l’inspection des lieux.