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voir aussi dans ces travaux mon respect pour le public et l’importance que j’attache à tout ce qui concerne de près ou de loin les intérêts de la religion.

Il ne me reste plus qu’à parler du genre de cet ouvrage. Je ne prendrai aucun parti dans une question si longtemps débattue ; je me contenterai de rapporter les autorités.

On demande s’il peut y avoir des poèmes en prose : question qui au fond pourrait bien n’être qu’une dispute de mots.

Aristote, dont les jugements sont des lois, dit positivement que l’épopée peut être écrite en prose ou en vers [Arist., de Art. poet., p. 2. Paris, 1645, in-8 o. (N.d.A.)] :


H de Epopoiia monon toix logoix qiloix, h toix metroix.


Et ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il donne au vers homérique, ou vers simple, un nom qui le rapproche de la prose, qlometria, comme il dit de la prose poétique, qloi logoi.

Denys d’Halicarnasse, dont l’autorité est également respectée, dit :

" Il est possible qu’un discours en prose ressemble à un beau poème ou à de doux vers ; un poème et des chants lyriques peuvent ressembler à une prose oratoire [Dion. HALIC., t. II, p. 51, cap. XXV. (N.d.A.)]. "


Pwx graqetai lexix ametrox omoia alw poihmati h melei, cai pwx poihma ge h melox pexh lexei aslh paraplhoion.


Le même auteur cite des vers charmants de Simonide sur Danaé, et il ajoute :

" Ces vers paraissent tout à fait semblables à une belle prose [Dion. HALIC., t. II, p. 60. (N.d.A.)].

Strabon confond de la même manière les vers et la prose [STRAB., lib. I, p. 12, fol. 1597. (N.d.A.)].

Le siècle de Louis XIV, nourri de l’antiquité, parait avoir adopté le même sentiment sur l’épopée en prose. Lorsque le Télémaque parut, on ne fit aucune difficulté de lui donner le nom de poème. Il fut connu d’abord sous le titre des Aventures de Télémaque, ou Suite du IVe livre de l’Odyssée. Or, la suite d’un poème ne peut être qu’un poème. Boileau, qui, d’ailleurs, juge le Télémaque avec une rigueur que la postérité n’a point sanctionnée, le compare à l’Odyssée, et appelle Fénelon un poète.