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Ils ne sont plus ces jours que point mon cœur n’oublie,
Et ce cœur aujourd’hui
Sous le brillant soleil de la belle Italie
Ne sent plus que l’ennui.

Pompeux ambassadeurs que la faveur caresse,
Ministres, valez-vous
Les obscurs compagnons de ma vive jeunesse
Et mes plaisirs si doux ?

Vos noms aux bords riants que l’Adige décore
Du temps seront vaincus,
Que Catulle et Lesbie enchanteront encore
Les flots du Bénacus.

Politiques, guerriers, vous qui prétendez vivre
Dans la postérité,
J’y consens : mais on peut arriver sans vous suivre,
À l’immortalité.

J’ai vu ces fiers sentiers tracés par la Victoire,
Au milieu des frimas.
Ces rochers du Simplon que le bras de la Gloire
Fendit pour nos soldats :

Ouvrage d’un géant, monument du génie,
Serez-vous plus connus
Que la roche où Saint-Preux contoit à Meillerie
Les tourments de Vénus ?

Je vous peignis aussi, chimère enchanteresse.
Fictions des amours !
Aux tristes vérités le temps, qui fuit sans cesse,
Livre à présent mes jours.

L’histoire et le roman font deux parts de la vie,
Qui si tôt se ternit :
Le roman la commence, et lorsqu’elle est flétrie
L’histoire la finit.