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LE VOYAGEUR.

Il a donc tout perdu ?

LE GARDIEN.

Il a donc tout perdu ? Non : un trône lui reste.

LE VOYAGEUR.

Un trône ne console pas.



XVII

LES ALPES OU L’ITALIE.


1822.

Donc reconnoissez-vous au fond de vos abîmes
Ce voyageur pensif,
Au cœur triste, aux cheveux blanchis comme vos cimes,
Au pas lent et tardif ?

Jadis de ce vieux bois, où fuit une eau limpide,
Je sondois l’épaisseur.
Hardi comme un aiglon, comme un chevreuil rapide,
Et gai comme un chasseur.

Alpes, vous n’avez point subi mes destinées !
Le temps ne vous peut rien ;
Vos fronts légèrement ont porté les années
Qui pèsent sur le mien.

Pour la première fois, quand, rempli d’espérance,
Je franchis vos remparts.
Ainsi que l’horizon, un avenir immense
S’ouvroit à mes regards.

L’Italie à mes pieds, et devant moi le monde,
Quel champ pour mes désirs !
Je volai, j’évoquai cette Rome féconde
En puissants souvenirs.

Du Tasse une autre fois je revis la patrie :
Imitant Godefroi,
Chrétien et chevalier, j’allois vers la Syrie
Plein d’ardeur et de foi.