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Usurpateur ? Mal fécondé,
L’illustre champ de ta victoire
Devoit-il renier la gloire
Du vieux Cid et du grand Condé ?

Racontez, nymphes de Vincenne,
Racontez des faits inouïs[1],
Vous qui présidiez sous un chêne
À la justice de Louis !
Oh ! de la mort chantre sublime[2],
Toi qui d’un héros magnanime
Rends plus grand le grand souvenir,
Quels cris aurois-tu fait entendre.
Si, quand tu pleurois sur sa cendre.
Ton œil eût sondé l’avenir ?

Le vieillard-roi dont la clef sainte
De Rome garde les débris
N’a pu, dans l’éternelle enceinte,
À son front trouver des abris.
On peut charger ses mains débiles
De fers ingrats[3], mais inutiles,
Car il reste au juste nouveau
La force de sa croix divine,
Et de sa couronne d’épine,
Et de son sceptre de roseau.

Triomphateur, notre souffrance
Se fatigue de tes lauriers ;
Loin du doux soleil de la France
Devois-tu laisser nos guerriers[4] ?
La Duna, que tourmente Éole,
Au Neptune inconnu du pôle
Roule leurs ossements blanchis,
Tandis que le noir Borysthène
Va conter le deuil de la Seine
Aux mers brillantes de Colchis.

À l’avenir ton âme aspire ;
Avide encore du passé,

  1. Mort du duc d’Enghien.
  2. Bossuet.
  3. Le pape à Fontainebleau.
  4. Campagne de Moscou.