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Laissent tomber leurr longue chevelure,
De branche en branche errant à l’aventure.
Se regardant dans un silence affreux,
Des rochers nus s’élevoient, ténébreux ;
Leur front aride et leurs cimes sauvages
Voyoient glisser et fumer les nuages :
Leurs longs sommets, en prisme partagés,
Étoient des eaux et des mousses rongés.
Des liserons, d’humides capillaires,
Couvroient les flancs de ces monts solitaires ;
Plus tristement des lierres encor
Se suspendoient aux rocs inaccessibles ;
Et contrasté, teint de couleurs paisibles,
Le jonc, couvert de ses papillons d’or,
Rioit au vent sur des sites terribles.

Mais tout s’efface, et surpris de la nuit.
Couché parmi des bruyères laineuses.
Sur le courant des ondes orageuses
Je vais pencher mon front chargé d’ennui.


V.

NUIT DE PRINTEMPS.


Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l’ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n’agite le feuillage.
Sous un berceau, tranquillement assis.
Où le lilas flotte et pend sur ma tête.
Je sens couler mes pensers rafraîchis
Dans les parfums que la nature apprête.
Des bois dont l’ombre, en ces prés blanchissants,
Avec lenteur se dessine et repose,
Deux rossignols, jaloux de leurs accents,
Vont tour à tour réveiller le printemps
Qui sommeilloit sous ces touffes de rose.