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le salut militaire... Ils étaient toujours les premiers dans une bataille et les derniers dans la retraite. Ils manquèrent souvent des choses les plus nécessaires à la vie ; cependant on ne les entendait jamais se plaindre, si ce n'est des souffrances de celui qu'ils regardaient comme leur souverain. »

Il y a un fait assez peu connu : Marie Stuart avait désiré que la compagnie écossaise au service de France fût commandée par un des fils des rois d'Ecosse ; on trouve en effet que Charles Ier et Jacques II furent tour à tour capitaines de cette compagnie. Les Jacobites, qui prirent plusieurs fois les armes ou pour Jacques ou pour le prétendant son fils, marquèrent d'un caractère touchant une vieille société expirante. Guillaume avait chassé Jacques de l'Angleterre au refrain d'une chanson révolutionnaire : on croit que le fameux God save the king, dont l'air est d'origine française, est un hymne religieux entonné par les Jacobites en marchant au combat. La loyauté, la légitimité et la religion catholique de la vieille Angleterre, ont légué une chanson à la liberté, à l'usurpation et à la communion protestante de l'Angleterre nouvelle.

Afin de punir les montagnards écossais qui se soulevèrent dans la suite pour le fils de leur ancien maître, le gouvernement anglais ne vit pas de moyen plus sûr que de les obliger à quitter le vêtement et les usages de leurs pères : leur petit jupon et leur musette. En les dépouillant de leur ancien habit, on espéra leur enlever leur antique vertu.

Jacques passa le reste de son exil à écrire les Mémoires de sa vie : la piété lui tenait lieu de puissance ; retiré dans sa conscience, empire dont il ne pouvait être chassé, ses souvenirs le faisaient vivre dans le passé, sa religion dans l'avenir. Il avait écrit de sa propre main cette courte prière : « Je vous remercie, ô mon Dieu ! de m'avoir ôté trois royaumes, si c'était pour me rendre meilleur. »

Il mourut en paix à Saint-Germain, le 16 septembre 1701.

Le prince de Galles, son fils, qui porta quelque temps le nom de Jacques III, et qui quitta ce monde le 2 janvier 1766 (toujours ce mois de janvier), eut deux fils : Charles-Edouard, le prétendant, et Henri-Benoît, cardinal d'York. Le prince Edouard avait du héros, mais il n'était plus dans ce siècle des Richard Coeur-de-Lion, où un seul chevalier conquérait un royaume. Le prétendant aborda en Ecosse au mois d'août 1745 : un lambeau de taffetas apporté de France lui servit de drapeau ; il rassembla sous ce drapeau dix mille montagnards, s'empara d'Edimbourg, passa sur le ventre de quatre mille Anglais à Preston, et s'avança jusqu'à quatorze lieues de Londres.