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Jacques II. Berwick eut la gloire de mourir d'un coup de canon à Philipsbourg pour la France (12 juin 1734), et d'avoir mérité les éloges de Montesquieu.

Jacques aborda les champs de l'éternel exil, le 2 janvier 1689 (nouveau style), mois funeste. Il débarqua à Ambleteuse, en Picardie. Il n'avait fallu que quatre ans au dernier fils de Charles Ier pour perdre un royaume.

Une assemblée nationale convoquée à Westminster, sous le nom de Convention, déclara, le 23 février 1689, que Jacques, second du nom, en quittant l'Angleterre avait abdiqué ; que son fils, le prince de Galles, était un enfant supposé (impudent mensonge) ; que Marie, fille de Jacques, princesse d'Orange, était de droit l'héritière d'un trône délaissé : l'usurpation s'établit sur une fiction de légitimité.

Le prince d'Orange et sa femme Marie acceptèrent la succession royale, non vacante, à des conditions qui devinrent la constitution écrite de la Grande-Bretagne : tel fut le dernier acte et le dénouement de la révolution de 1640 ; ainsi furent posées, après des siècles de discordes, les limites qui séparent aujourd'hui en Angleterre le juste pouvoir de la couronne des libertés légales du peuple.

Au reste, ni Jacques ni les Anglais n'eurent aucune dignité dans cet événement mémorable : ils laissèrent tout faire à Guillaume avec une faible armée de treize mille hommes, où l'on comptait douze ou quatorze cents soldats et officiers français protestants : ceux-ci, chassés de France par la révocation de l'édit de Nantes, allèrent détrôner en Angleterre un prince catholique, allié de Louis XIV ; ainsi s'enchaînent les choses humaines. Ce fut une garde hollandaise qui fit la police à Londres et qui releva les postes de Whitehall. Les historiens de la Grande-Bretagne appellent la révolution de 1688 la glorieuse révolution ; ils se devraient contenter de l'appeler la révolution utile : les faits en laissent le profit, mais en refusent la gloire à l'Angleterre. Le plus léger degré de fermeté dans le roi Jacques aurait suffi pour arrêter le prince Guillaume ; presque personne dans le premier moment ne se déclara en sa faveur.

Au surplus, cette révolution, qui aurait pu être retardée, n'en était pas moins inévitable, parce qu'elle était opérée dans l'esprit de la nation. Si Jacques parut frappé de vertige au moment décisif ; si pendant son règne on ne le vit occupé qu'à se créer une place de sûreté en Angleterre, ou un moyen de fuite en France ; s'il se laissa trahir de toutes parts ; s'il ne profita ni des avis ni des offres de Louis XIV, c'est qu'il avait la conscience que ses destins étaient accomplis. La liberté méconnue sous Jacques Ier, ensanglantée sous Charles Ier, déshonorée